Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS
Reimer était mort en 1994. Son épouse était décédée à son tour, à Munich, en 2002. Iris, leur fille unique, avait alors vidé l’appartement familial et emporté une foule de souvenirs, chez elle, à Düsseldorf. Mais ce n’est que sept années plus tard, en se replongeant dans ces objets, qu’elle avait enfin ouvert une boîte de bois appartenant à son père. Dans cette petite caisse rectangulaire, fermée par un loquet de métal, Iris avait trouvé quelques objets personnels, des lettres et des photos.
Sur l’une de ces images, on voit son père, en uniforme, assis dans le salon d’un appartement, trinquer avec une jeune femme souriante. Au mur, on remarque immédiatement un fanion triangulaire noir, décoré, en son centre, d’une tête de mort, et à chaque extrémité, le sigle de la SS. Au dos de la photographie, une femme, à l’évidence celle qui figure au recto, a écrit ceci : « Sans le savoir, c’étaient les heures les plus heureuses de ma vie. (Mais après la joie vient la souffrance). Ta Margrit. Paris, au mois de juin. » C’était en 1941.
Les lettres trouvées dans la boîte, écrites en allemand et adressées à « Mon Werner aimé », étaient également signées par cette même Margrit. Dans un courrier daté du 21 janvier 1942, la jeune femme écrivait notamment : « Ce soir, j’aurais vraiment besoin de parler avec toi. Je n’ai aucune nouvelle de toi, à tel point que je ne sais pas comment tu te portes. Le véritable hiver est arrivé depuis quelques jours à Paris […] mais cela n’est certainement pas comparable avec le froid en Russie. […] Je suis en bonne santé et je travaille tous les jours. Je suis allée ce matin chez le médecin et tout se passe pour le mieux. Si cette lettre met trop de temps à t’arriver, je serais déjà mère à ce moment-là. […] L’amour que j’ai eu pour toi sera désormais pour ton enfant. Et tu resteras pour moi un ami cher. »
Iris a immédiatement compris qu’elle avait une sœur, ou plutôt une demi-sœur : « Mon père n’avait évidemment jamais parlé de ça. J’étais bouleversée, mais pas vraiment surprise. Deux mois avant de tomber sur ces lettres, j’avais dit à une amie : “Cela ne m’étonnerait pas d’apprendre un jour que mon père a eu un autre enfant en Allemagne, en France ou en Russie.” »
Dans une autre lettre, du 8 avril 1942, Margrit donnait d’autres nouvelles à Werner. « J’attendais l’enfant plus tôt et il est né le 26 mars. […] Quand je me suis réveillée, j’étais un peu déprimée, car j’aurais voulu avoir un petit Werner et c’est une fille. Mais je suis tout de même très heureuse. Elle s’appelle Christiane Margrit. […] Werner, tu devrais voir comme elle est jolie et comme elle te ressemble. Elle a tes yeux, ton nez et ton front. » Plus loin, elle poursuivait : « J’ai bien reçu les 3 000 francs et je t’en remercie chaleureusement. […] J’ai encore de fortes fièvres, même si cela va de mieux en mieux. Le médecin m’a conseillé de passer un peu de temps en maison de repos, il me restera deux semaines de tranquillité pour reprendre assez de forces et retourner au travail. Ensuite, je devrais me séparer de ma petite fille, je ne peux malheureusement pas faire autrement. » Margrit avait écrit cette lettre deux semaines après son accouchement.
À compter du jour où elle avait lu ces missives datant de 1942, Iris Apé n’avait eu de cesse de rechercher la trace de Christiane Margrit, sa demi-sœur inconnue. Elle s’était adressée au Service international de recherches de la Croix-Rouge, à Bad Arolsen, qui l’avait orientée vers la WAst, à Berlin, en l’occurrence vers Marie-Cecilie Zipperling. Iris avait déjà obtenu quelques informations. Margrit, la mère, n’était pas allemande, mais alsacienne, et elle s’appelait Marguerite S. Elle était née en 1920 dans une petite commune du Bas-Rhin. Elle s’était remariée, après-guerre, au même endroit, avec un certain Roger M. Sa fille, Christiane, était, selon certains documents, née à Paris. Selon d’autres, c’était au château de Wégimont.
Le nom de Christiane S. ne m’était pas inconnu. Vérification faite, il figurait bien sur la liste des enfants nés à Wégimont, puis découverts par les Américains à Steinhöring. Pourtant, j’avais laissé ce cas de côté. La maternité SS Ardennen de Wégimont avait ouvert ses portes en mars 1943 : aucun
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