Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS
sanctions, mais celles-ci n’aboutiront pas. La raison probable de la fuite de Marguerite est mentionnée dans un rapport du ministère belge de la Justice du 9 juillet 1943 : « L’intéressée est revenue de Sarrebrück 2 depuis février dernier, parce qu’elle se trouvait enceinte et que son état ne lui permettait plus de travailler. Elle est actuellement à son sixième mois de grossesse. » Marguerite accouchera donc trois mois plus tard. Gisèle Niango, née Magula, a bien vu le jour le 11 octobre 1943.
Ce rapport judiciaire nous en apprend un peu plus sur la situation matérielle de Marguerite et de sa sœur. Le voici : « Elle prétend avoir vécu de ses économies, qu’elle avait envoyées de Sarrebrück à la Deutsche Kredietbank [Banque allemande de crédit], avenue des Arts, à Bruxelles, jusqu’au mois de juin. Depuis lors, elle vit des allocations qui lui sont accordées par le secours d’hiver, soit 105 francs [belges] par semaine. Elle est titulaire de la carte de secours n° 472.633. Cependant, ayant omis de déclarer qu’elle habitait chez sa sœur, le secours d’hiver lui a infligé en guise de sanction une suspension au droit de secours pour la durée du mois prenant cours le 27.6.43. Pendant cette période, l’intéressée ne bénéficiera que d’un repas par jour. Quant à Ella E., sœur de la précitée, elle est mère d’un enfant âgé de 15 mois. Celui-ci ayant été gravement malade, elle a dû, pour lui donner les soins constants que son état exigeait, renoncer à son travail et, momentanément, elle est également à la charge du secours d’hiver, qui lui accorde 85 francs par semaine. Son ami, père de l’enfant, serait membre de la Sûreté allemande, il lui aurait envoyé depuis la naissance trois fois de l’argent mais, depuis lors, il a changé de garnison et ne lui a plus envoyé quoi que ce soit. Elle se considère abandonnée. Ces étrangères préten- »…
Le second feuillet du rapport ne figure pas dans le dossier et nous ne savons donc pas ce que les sœurs E. « prétendent » alors à la police belge. En fait, elles sont dans le collimateur des autorités, car elles n’ont pas renouvelé leurs titres de séjour. Elles sont susceptibles d’être expulsées vers la Hongrie, leur pays d’origine. La mesure s’avérera impossible car, dans le même temps, elles ont perdu la nationalité hongroise…
Une question essentielle subsiste à propos de Marguerite : qui est le père de son enfant ? Est-ce l’Allemand qu’elle fréquentait avant son départ ? Rien ne permet de le certifier. Quand elle quitte son poste de couturière, à Moussey, en février 1943, après huit mois de présence, elle est enceinte depuis un mois. Entre-temps, elle a pu recevoir la visite de son ami. Ou bien bénéficier d’un congé et revenir quelques jours à Bruxelles.
Marguerite accouche d’une petite fille, Gisela, au château de Wégimont, le 11 octobre 1943. L’hypothèse la plus vraisemblable est la suivante : son compagnon, membre de la SS ou d’un autre corps de l’armée d’occupation, la recommande auprès du Lebensborn . Sa description physique – 1,60 mètre, cheveux et sourcils blonds, yeux gris, visage ovale… – lui confère certainement un caractère « racialement valable ». Après la naissance de son enfant, l’itinéraire de Marguerite est de nouveau flou. Elle a probablement abandonné Gisela – Gisèle Niango – à la nursery SS, car aucun document ultérieur ne mentionne sa présence à ses côtés. La petite fille sera, on l’a vu, emmenée de Wégimont le 1 er septembre 1944.
Les derniers éléments concernant Marguerite E. sont contradictoires. Selon la police, elle serait retournée « travailler volontairement en Allemagne le 22 novembre 1943 [un mois après son accouchement], puis revenue de Halle » (près de Leipzig), le 6 juin 1945. Or, un autre document, datant de 1944 celui-là, la désigne comme une « ancienne prostituée »… Pourtant, juste après la guerre, Marguerite vit de nouveau à Bruxelles, et elle est un temps hébergée chez une tante maternelle, établie et mariée depuis des années dans la capitale. La jeune femme travaille au café Métropole, sur la place de Brouckère. Puis elle rencontre un certain Henri L., ouvrier peintre sur verre, âgé de 45 ans. Elle en a 24. Un dernier rapport de police, en 1948, affirme : « Les conduite et moralité de E. n’ont fait, à notre
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