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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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un début de confusion. Alors qu’il
s’apprêtait à donner l’hostie à l’une de ses fidèles, Aguilah leva les yeux, vit
un homme de dos qui tentait de remonter l’allée centrale. Il ne le reconnut pas
et n’alla pas plus loin, davantage intéressé par le moment où elle – elle, Héloïse
– se trouverait devant lui.
    Baissant le regard, Aimery se faufila dans une
travée et, de là, retourna vers le fond de l’église. Il échangea avec son père
un regard empli d’inquiétude.
    Héloïse parvint enfin devant l’évêque.
    Elle ne le quitta pas des yeux, ne s’agenouilla
pas comme le faisaient les autres.
    L’évêque et la jeune fille s’étaient raidis.
    Elle ouvrit la bouche.
    Il lui glissa l’hostie sur la langue et, à ce
moment, leur regard, à l’un et à l’autre, disait :
    Tu vas mourir.
    L’hostie fondait sur la langue de la
jeune femme, et leur secret échange, comme les mots d’un livre ouvert pour eux
seuls, avait la précision et la violence de la plus tranchante des
condamnations à mort.
    Héloïse foudroya Aguilah des yeux… puis tourna
les talons.
    Il la vit se faufiler à son tour entre les
travées. Aguilah faillit hurler, étendit un bras, à la grande surprise des
autres communiants ; il jeta un regard vers l’un des sergents d’armes qui
l’accompagnait dans tous ses déplacements et tenta de lui faire signe. L’autre
ne comprit pas, fronça les sourcils. Il se dressa sur la pointe des pieds et
regarda parmi la foule, avant de se diriger vers l’entrée de l’église, la main
sur le pommeau de son épée.
    — Il faut… dit Aguilah d’une voix
étranglée.
    Il étouffait de rage. Une vieille femme s’agenouilla
devant lui et tira la langue, levant vers lui des yeux immenses. Au loin, Héloïse
sortait, suivie de deux hommes. Le sergent d’armes arriva trop tard.
    —  Mais saisissez-la ! cria
tout à coup l’évêque.
    Le sergent écarta les bras et hocha la tête en
signe d’incompréhension ; ses hommes se tournèrent vers l’entrée. La voix
d’Aguilah avait résonné sous les voûtes de l’église, au point de couvrir la
musique de l’orgue qui accompagnait la communion. L’assemblée s’était figée. Les
regards stupéfaits convergeaient vers lui.
    — Elle part, souffla l’évêque. Elle part !
    Escartille, Aimery et Héloïse avaient
couru au-dehors. Aguilah interrompit la cérémonie, descendit de l’autel et
manqua de trébucher dans les pans de sa propre chasuble. Il envoya aussitôt ses
hommes à la poursuite de la jeune fille – mais le trio avait déjà disparu dans
les rues étroites.
    Au fond de l’une d’elles, Escartille attrapa
la jeune fille par le bras. Il s’écria :
    — Vous êtes DÉMENTE, m’entendez-vous ?
Vous avez failli nous conduire tous les trois sur le bûcher, au moment même où
nous devons nous enfuir ! Vous êtes folle !
    Héloïse se tourna vers lui. Son visage ne
trahissait aucune émotion. C’en était au point qu’elle faisait peur.
    — Je voulais qu’il se souvienne de moi, dit-elle.
    — Qu’il se souvienne de vous ! Eh
bien, soyez rassurée, c’est sûrement réussi ! Mais que pensiez-vous faire
en agissant ainsi ?
    Les dents serrées, elle ne quittait pas son
masque impassible.
    — Ce que je voulais faire ?
    Elle en tremblait encore.
    —  Lui déclarer la guerre, dit-elle.
    Puis elle prit la tête de la marche, le buste
redressé.
    — Et maintenant, partons à Montségur.
    Ils montaient vers le château des
hérétiques.
    Derrière eux, un soleil rougeoyant
disparaissait à l’horizon.
    En quittant Toulouse, ils avaient retrouvé
leurs chevaux et le faucon d’Aimery ; ils avaient prévenu le marchand à
qui ils avaient confié les animaux qu’un autre homme viendrait les récupérer, tard
dans la nuit. Le marchand n’avait pas posé de questions. Dans ce climat de
risque permanent, il était contraint lui-même à la plus grande discrétion. Puis
le vieil homme rencontré dans la cave de l’auberge des Deux Coqs s’était
arrangé pour faire sortir tous leurs biens avec lui. Ils s’étaient retrouvés
comme prévu à l’orée de la forêt, après que le ductor les eut conduits
par les souterrains. Il était temps ; Aguilah remuait toute la ville
comtale pour retrouver Héloïse et ses compagnons. Déjà, les inquisiteurs
écumaient les rues de la cité, sans laisser aucune bâtisse au hasard. Les
agents de la Confrérie Blanche et les exploratores étaient

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