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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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là-haut, à plus de mille deux cents mètres d’altitude, frappé
du mystère de ce paysage irréel. De la montagne émergeait une masse cubique, jaillie
de la pierre brute, entourée des engins de construction, poulies et plateaux
utilisés pour monter les rochers, échafaudages improbables, cordes dansant au
milieu de nulle part, par-dessus des à-pics vertigineux. Des lignes chaotiques
de cabanes habitées par les constructeurs, bâties à la hâte et fouettées par le
vent, esquissaient un village qui déroulait ses lacis de ruelles au seuil des
abîmes.
    Héloïse leva les yeux.
    Elle s’arrêta un instant. Ses jambes
fléchirent et elle tomba à genoux.
    Aimery se baissa pour l’aider.
    — Reprends ton souffle, Héloïse. Nous y
sommes presque.
    Le faucon poussa de nouveau un cri strident. Dans
un battement d’ailes, il vint se poser sur le gant de cuir du jeune homme. Héloïse
regarda l’oiseau, avec un vague sourire.
    — Ce faucon… dit-elle haletante. Tu es
son maître, n’est-ce pas ?
    — Oui.
    — Où l’as-tu trouvé ?
    — Il était blessé sur le bord d’un
ruisseau, dans les montagnes. Il est devenu… un ami.
    — Tu lui parles… et il te répond ?
    Aimery sourit à son tour, caressant le plumage
de l’oiseau. Il était brun-gris, avec une sorte d’anneau noir, près du bec. Son
œil palpitant semblait les dévisager tous deux. De temps à autre, il poussait
un cri, laissant apparaître le filet rouge de sa langue. Ou bien, il s’ébrouait
un instant et tournait la tête, avant de retrouver son immobilité.
    — En quelque sorte.
    — Lui as-tu donné un nom ? dit
encore Héloïse, entre deux inspirations.
    — Non. Le faut-il ? Quel nom lui
donnerais-tu ?
    Héloïse se tut quelques instants.
    — Il vole, là-haut, par-dessus nos
châteaux et toutes ces citadelles de guerre, par-dessus les gouffres, les
brumes et les nuages… Il est un peu notre âme noire, Aimery. On disait, autrefois,
que les oiseaux emportaient les âmes des hommes en Paradis… Il est… comme le
cœur brûlé de ma sœur.
    — Aude n’est pas un nom pour un faucon
mâle, dit Aimery.
    — Alors… appelons-le d’un nom commun à
tous les deux, d’un nom qui résumerait ce qu’éprouvent nos cœurs à cet instant
même.
    Aimery la regarda. Elle lui rendit ce regard.
    — Détresse est un nom trop douloureux
pour un oiseau, dit-elle.
    — Je l’appellerai Amor, répondit
Aimery. Comme la seule loi de ces cours d’autrefois.
    Elle planta ses yeux dans ceux du jeune homme,
interdite face à cet aveu.
    Devant eux, en surplomb, Escartille et le ductor attendaient qu’ils aient récupéré ; ils ne pouvaient entendre
leurs chuchotements.
    Héloïse sourit, essuyant une larme sur la
crasse de son visage.
    — Ce mot se décline au masculin et au
féminin, au singulier et au pluriel. Il est toujours semblable, mais jamais le
même pour qui le prononce. Oui, cela conviendra à cet oiseau. Acceptes-tu que
je sois aussi sa maîtresse ?
    — Je saurai le lui apprendre, dit Aimery
en se penchant pour l’embrasser.
    Ils s’enlacèrent.
    Escartille ne fut surpris qu’à demi.
    Il comprit qu’il y avait quelque chose de
sacré dans ce baiser. Il n’osa l’interrompre. Il se contenta de tousser au bout
de quelques secondes.
    — Nous sommes presque arrivés, dit-il.
    Aimery et Héloïse tournèrent le visage vers
lui. Puis Héloïse caressa à son tour le faucon et fit signe à Aimery de le laisser
s’envoler :
    — Envole-toi, oui, envole-toi, montre-nous
toujours le chemin ! Va tout là-haut, vois des deux le charnier que nous
faisons de ce monde, sois nos yeux… Amor ! Sauve-nous.
    Elle se releva péniblement.
    Et l’ascension reprit.
    Un seul chemin y
menait, un chemin étroit qui serpentait au milieu des épineux. Pour qui voulait
s’y rendre, l’ascension était ardue, caillouteuse. Pèlerins et voyageurs
dépassaient une chicane à l’abandon, montaient, montaient encore et soudain, les
guetteurs se mettaient en travers de leur route. On leur demandait leur méreau,
cette pièce de métal qui servait aux hérétiques de signe de reconnaissance. Plus
haut, les cimes paraissaient s’écarter au-dessus des visiteurs. Ils
apercevaient alors les murs barrant l’accès de la face sud, puis le fossé et la
barbacane qui protégeaient le flanc du château. Ils ne pouvaient être qu’impressionnés
par cette image puissante du repaire de Montségur, couvent semé de

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