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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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esprit. Il
ne savait d’où elle était née, mais elle l’embrasa d’un coup, avant qu’il ne la
chasse avec force, ce qui ne fit que redoubler sa colère. Son imagination s’était
enflammée, en un éclair. Il s’était vu débarrasser Héloïse de son déguisement, arracher
fermails et cordelettes et jouir avec le Diable. Va-t’en, Sathanas, se
dit-il. Dieu et Diable se retrouvaient alors devant lui, l’un tonitruant ses
célestes commandements, l’autre aiguisant à l’envi toutes ces tentations… Lui, ce
même démon que l’évêque s’efforçait, peu à peu, de balayer d’Occitanie ! Non
loin de lui, Aguilah avait fait venir Alazaïs, la fillette illégitime de l’épouse
de Jean de Montréal ; comme il l’avait promis au prisonnier, amant de la
belle Aude dans la forêt de Pamiers, il avait arraché cette enfant à sa mère, et
commençait de clamer partout qu’il en ferait sa protégée dans la foi.
    Il regarda la petite tête blonde, passa une
main dans sa chevelure et sourit.
    Il l’avait fait asseoir à ses côtés.
    Puis il regarda de nouveau Héloïse. Elle ne
savait pas qui pouvait bien être cette fillette. Mais cela plaisait aussi à
Aguilah.
    Aimery, à demi caché par le pilier, risqua
à son tour un regard en direction de l’évêque.
    Il lut dans les yeux du prélat de la
convoitise, de l’orgueil, de la fureur. Autant de sentiments que, d’ordinaire, le
masque froid et impassible de l’évêque ne laissait transpercer en aucune
manière.
    En vérité, c’est vous, l’hérétique, se dit-il.
    La cérémonie se poursuivait. Escartille était
aussi désarmé qu’Aimery et Héloïse.
    Tandis que l’évêque s’associait aux
prêches et aux discours des abbés, il cherchait encore à aimanter Héloïse, comme
si une autre partie se jouait en même temps que l’office, où il ne cessait de
clamer : les hérétiques sont parmi nous, ils peuvent être vos voisins, votre
frère, votre sœur… Au point qu’il semblait parfois s’échapper du cours de
la cérémonie. Il y revenait lorsque la voix du prêtre sonnait à ses oreilles, parlant
du Christ, de ses apôtres et des ennemis de la vraie foi. Héloïse supportait la
présence insistante de son bourreau en lui envoyant des regards fermés, dont l’indifférence
apparente et glacée n’était qu’un défi supplémentaire. Malgré sa naïveté et sa
pureté encore virginale, avait-elle pris la mesure de son geste ? Son
silence, en cette église, avait pour elle la dimension d’un cri, un cri
fulgurant, l’appel de son cœur à une liberté illusoire, qu’elle ne pouvait
conquérir ; elle était bel et bien piégée, mais, consciente de la toile qu’elle
s’était tissée, elle clamait qu’elle aurait la force de s’en défaire. Et cette
voix, tapie dans le sein de la jeune femme, pouvait à chaque instant éclater
dans toute sa colère et sa déraison, peut-être maintenant, dans cette église
même. Aimery sentait sourdre cette rébellion sublime ; il se souvenait d’un
épisode dont Escartille lui avait parlé, autrefois, et qu’il tenait d’un proche
de Raymond VI.
    Fizas, dame d’honneur de la comtesse Éléonore,
l’épouse de Raymond, avait jadis accompagné sa maîtresse jusqu’à Rome. Elle
avait emmené avec elle des hérétiques, dont un diacre cathare. Et tandis que le
pape célébrait sa messe, en leur présence, c’était à cet homme que Fizas
rendait hommage. Oui, en plein cœur de la chapelle apostolique, c’était un
diacre hérétique qu’elle adorait en silence !
    C’était la même chose ici : Héloïse
menait sa révolte en face de l’évêque, devenu pour elle l’emblème du pouvoir et
de la terreur.
    Je te terroriserai secrètement, Aguilah, disait-elle, et la nuit venue, ton âme froide et morte te fera te
retourner dans tes linges blancs, tu maudiras tour à tour le Tout-Puissant et
les cathares, ta vie et ta naissance. Tes prières iront à la Vierge autant qu’à
l’Antéchrist, le seul capable d’écouter tes invocations. Je serai ta maîtresse
et ton bourreau, je retournerai contre toi l’amour que tu m’as volé, et ce feu
te consumera jusqu’à la mort, car mon bouclier est Dieu lui-même.
    À présent, elle se figeait dans des postures d’intense
dévotion, égrenait un chapelet incendiaire, aux grains aussi menaçants qu’un
arsenal d’armes de jet. Quelle pouvait être la part du jeu et de la foi sincère ?
Adorait-elle Dieu comme son seul refuge ?

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