L’élixir du diable
La femme dont il se faisait un bouclier, quelques secondes plus tôt, était en proie à une crise d’hystérie, mais elle était vivante.
Ce qui était l’objectif numéro un.
J’ignorais pourquoi Torres s’était écarté d’elle, mais, ce faisant, il avait offert au sniper une cible facile. Et le sniper n’avait pas eu le choix, car il était évident que Torres s’apprêtait à abattre son otage.
Torres mort, le siège était fini. Mais cela nous faisait une belle jambe. Une fois de plus, Navarro avait provoqué un bain de sang, et le seul homme qui pouvait nous conduire à lui était mort.
Je me demandai pourquoi Navarro avait décidé de lâcher un ancien Marine armé et en plein trip dans un centre commercial bondé. Mais avec tout ce que j’avais appris les jours précédents, il était évident que Navarro jouissait du chaos et de la mort qu’il causait. Et ce n’était sûrement pas terminé.
54
Tess n’avait pas bien dormi. Elle était surexcitée et furieuse à la fois, une foule d’émotions luttaient en elle. Pour ne rien arranger, elle avait l’impression d’être une bête en cage, à qui il était interdit de sortir, ne serait-ce que pour un jogging ou une tasse de café à l’extérieur.
Elle avait déjà appelé sa mère, et parlé à Hazel et Kim. Elle était passée rapidement sur les événements, avant de leur demander d’avoir l’œil, tout en s’efforçant de ne pas les alarmer. En pure perte, bien entendu. Ce n’était pas la première fois qu’elle se trouvait dans une situation délicate – même si, cette fois, elle n’y était pour rien.
Julia était au salon avec Alex, et faisait de son mieux pour l’occuper. Elle avait gagné le gros lot en l’inscrivant au Club Penguin sur son ordinateur portable. A en juger par les rires et les exclamations du gamin, il s’en donnait à cœur joie. Tess les avait laissés tous les deux après le petit déjeuner, car elle ressentait le besoin de s’isoler. Elle était au jardin, derrière la maison. Perdue dans ses pensées, elle s’était assise dans l’herbe, adossée au tronc d’un sycomore isolé.
Elle était encore secouée par ce que Reilly lui avait raconté, la veille au soir. D’abord, elle avait été horrifiée, quelle que soit la manière d’envisager les choses. Elle y avait réfléchi une bonne partie de la nuit en essayant de se mettre à sa place, revivant la situation de son point de vue à lui. Elle s’était demandé ce qu’il avait ressenti, et ce qu’elle aurait fait à sa place. Pour arriver à la conclusion qu’elle n’en savait rien. Sinon qu’il était facile de formuler un jugement inconsidéré quand on est passif et hors du coup. Il en va différemment quand on se trouve sur le terrain, dans le feu de l’action, au milieu des balles qui sifflent, entouré d’hommes déterminés à vous tuer, qu’il faut prendre dans la seconde des décisions où l’éthique et la nécessité ne pointaient jamais dans le même sens. Il ne s’agissait pas d’excuser ses actes. Plutôt d’essayer de comprendre, sachant que dans son boulot, dans le genre de situation où l’entraînait son devoir professionnel, il était parfois confronté à des choix impossibles.
Tess se focalisait aussi sur une autre idée. Elle savait que, tôt ou tard, Navarro aurait tué McKinnon. C’était là un argument pro domo, elle ne l’ignorait pas, mais elle y trouvait un certain réconfort. Puis elle se rappela autre chose, qui lui avait un peu remonté le moral sur le moment. A l’issue de leur conversation, tard dans la nuit, elle avait demandé à Reilly s’il y avait encore quelque chose qu’il ne lui aurait pas dit. S’il existait d’autres bombes à retardement capables d’ébranler leur univers. Il lui avait juré que non, et elle l’avait cru.
Ses pensées dérivèrent vers l’origine de tout ce qui était arrivé, glissèrent vers Alex. Tess repensa au dessin, à ce que sa maîtresse lui avait raconté, à ce que le petit garçon avait dit à propos de la plante.
Elle entra dans la maison, prit son iPad et le téléphone portable sécurisé que Julia lui avait apporté pour remplacer son iPhone, ainsi que le papier où elle avait gribouillé le numéro que Reilly lui avait donné. Elle retourna dans le jardin.
Elle composa le numéro de Berkeley.
Une voix enregistrée l’informa qu’elle était au cabinet de Jim Stephenson, que ni le docteur ni son assistante, Marya, n’étaient
Weitere Kostenlose Bücher