L’élixir du diable
la troisième apparemment claire. Puis tu sors pour répondre au téléphone ou je ne sais quoi, il bouge et nous refermons le piège.
Villaverde secoua la tête. Il semblait incrédule. Je voyais bien qu’il était à deux doigts d’exploser.
— Après ce qui s’est passé ? Tu veux mettre tous ces gens dans sa ligne de mire ? Hors de question !
C’était la première fois que je le voyais perdre son calme.
La porte s’ouvrit. En guise de café, un jeune agent tendit à Villaverde une mince chemise brune.
— Rapport sur les examens toxicos de Eli Walker. Pour ceux de Ricky Torres, on a mis la pression pour que ça ne traîne pas. Nous devrions les recevoir d’ici ce soir.
Dès qu’il fut ressorti, Villaverde ouvrit la chemise et lut rapidement la feuille qui s’y trouvait. Il regarda ostensiblement vers moi et me tendit le rapport.
On avait trouvé dans le sang de Walker un agent organique paralysant. Un mélange de venins d’araignée et de lézard. La veuve noire, ou latrodectus geometricus , et le lézard perlé mexicain, ou heloderma horridum , de la famille des hélodermes. Plus une neurotoxine que le labo n’avait pas encore identifiée.
Je jetai le dossier à Munro.
— Maintenant, dis-moi que nous n’avons pas affaire à El Brujo.
Munro lut le rapport. Pour une fois, il resta silencieux.
Les sandwichs et les boissons suivirent de près le rapport. Chacun de nous profita du rituel bien rodé (jeter le sucre dans le café, disposer la ciabatta sans faire couler le trop-plein de sauce sur nos vêtements) pour oublier l’affaire et redevenir soi-même pendant un bref instant. J’avais l’habitude, pendant ces moments-là, de penser presque uniquement à Tess. Cette fois, c’est Alex qui s’imposa à mon esprit.
Il ne méritait pas ce qui lui arrivait.
J’avalai une bouchée.
— Demain, j’irai à la conférence de presse, demain matin. Seul. Ils peuvent en parler, faire le plus de bruit possible sur l’entretien exclusif avec l’agent du FBI chargé de l’enquête… il faut absolument que Navarro soit au courant. J’irai seul, et je quitterai les lieux seul. Présence policière dans le studio, personne à l’extérieur. Personne qu’ils puissent voir, en tout cas. On met en place les filatures. Je serai en sécurité jusqu’à ce qu’il croie que je lui ai dit tout ce que je sais, et je veillerai à fermer ma gueule avant que nous arrivions là où nous allons, où que ce soit.
Villaverde but une gorgée de café. Il secoua de nouveau la tête. Cette fois, c’était en signe de résignation.
Nous étions à court de solutions. S’il fallait, pour arrêter ce malade mental, que je me jette dans la gueule du loup – drogues indigènes et ablation d’organes comprises –, il en serait ainsi. Rien de plus que ce qu’on avait destiné à Michelle, à Tess, à Alex et à un nombre incalculable de personnes depuis que cette saloperie d’affaire avait éclaté.
J’étais prêt à y aller.
Après tout, on ne meurt qu’une fois, non ?
56
Tess ne savait que faire.
Elle se sentait très alerte, et son cœur battait à tout rompre. C’était comme un éveil, comme si son esprit soudain libéré était capable d’explorer des territoires inconnus. Elle avait passé plusieurs heures sur le site Internet de Stephenson. Des questions la harcelaient maintenant de toutes parts, tandis que des idées contradictoires se bousculaient, chacune exigeant d’être poursuivie jusqu’à sa conclusion logique.
Elle ne savait pas par où commencer. La question essentielle était précisément celle qu’elle avait peur de poser. Mais elle savait qu’il fallait le faire. Elle n’était pas sûre d’en avoir le droit. Ce n’était pas juste. Ce n’était pas bien.
Il n’avait que quatre ans.
Comme pour la libérer de son supplice, son téléphone sonna. Elle le regarda d’un air absent, puis elle reconnut le code régional de l’appelant.
510.
Berkeley.
Elle prit immédiatement l’appel.
C’était Marya, l’assistante de Jim Stephenson : — Je viens d’entendre votre message. Je suis vraiment désolée, pour Mlle Martinez… C’est si… c’est horrible. Que s’est-il passé ?
Tess lui dit simplement que Michelle avait été tuée par un homme armé qui s’était introduit chez elle, et qu’Alex se trouvait désormais à la garde de son père biologique. Elle expliqua qui elle était.
— J’ai parlé aux maîtres d’Alex, ajouta-t-elle, qui m’ont
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