L’élixir du diable
du regard. Il savait qu’il était beaucoup trop vaste pour qu’il puisse le contrôler longtemps. Il espérait que son unité viendrait à la rescousse avant que les créatures ne le mettent en pièces. Il était perdu, incapable de décider si les rebelles étaient dirigés par les monstres, ou s’ils étaient une seule et même chose. Il lui semblait que sa tête allait éclater, et sa peau le démangeait au point qu’il avait envie de l’arracher. La douleur à l’estomac s’était un peu calmée, mais son épaule lui faisait si mal qu’il avait l’impression qu’on venait tout juste de lui tirer dessus.
Le pharmacien émergea de derrière son comptoir avec une boîte en carton d’où il sortit une plaquette de cachets. Il en extirpa deux, qu’il tendit à Torres, sur la paume de sa main.
— C’est la pénicilline la plus forte que nous ayons. Prenez-les. Il n’y a rien de tel contre l’infection.
Torres avança la main. A l’instant où ses doigts allaient toucher les cachets, il vit qu’il ne s’agissait pas du tout de cela. C’étaient deux insectes, luisants comme des scarabées, dont les pattes dentelées se terminaient par des crochets bien peu engageants. Ils agitaient leurs longues antennes en tous sens, dans leur effort pour le toucher.
Le pharmacien le regardait fixement.
— Ça va vous faire du bien. Croyez-moi.
Torres cligna des yeux. Les scarabées étaient toujours là, qui se tortillaient dans la main du pharmacien.
Il repoussa brutalement la main de l’homme et s’écarta.
— Tu essaies de les introduire en moi ? hurla-t-il. Pour qu’ils me dévorent de l’intérieur ? Qu’est-ce que tu m’as donné, tout à l’heure ?
Son arme pivota vers le visage du pharmacien.
— C’est pour ça que j’ai si mal à l’épaule ? J’en ai déjà à l’intérieur de moi ?
Le pharmacien leva les mains, pour le calmer. Torres vit les yeux jaunes, les cornes tordues et pointues, les longs crocs et la peau luisante… Tout ce qui constituait, il le savait, leur véritable apparence. La bête s’avança vers lui…
Il appuya sur la détente et vit la tête du monstre exploser, projetant du sang sur les étagères derrière le comptoir.
Un vent de panique se répandait sur le parking. Le pistolero en ignorait la raison. Les envoyés spéciaux s’étaient mis en action et parlaient avec animation devant les caméras, tandis que les flics des divers services allaient et venaient en donnant l’impression d’une urgence absolue.
Il se dit qu’il avait dû se passer quelque chose dans le magasin. C’était à la fois bon et mauvais. Bon, parce que ça lui fournissait une diversion qui lui faciliterait la tâche. Mauvais, parce que ça signifiait peut-être que la situation que son patron avait créée de toutes pièces venait d’atteindre son apogée, auquel cas son créneau se refermerait plus vite que prévu.
Bon, ce n’était pas vraiment un problème. Il ne lui fallait pas beaucoup de temps.
Il reprit sa progression, s’assurant que personne ne l’avait remarqué, dans le désordre des voitures en stationnement.
Vingt secondes plus tard, il se trouvait près du 4 × 4 dans lequel il avait vu les agents arriver.
A peine vingt de plus, et il repartait d’où il était venu, un léger sourire de satisfaction aux lèvres.
Torres recula en titubant, agitant ses pistolets comme un fou. Des hurlements perçants lui parvenaient de l’autre côté du magasin, lui déchirant le crâne.
— Ne bougez pas ! Restez où vous êtes ! Ne vous approchez pas de moi !
Il avait la gorge sèche et brûlante, maintenant. Il n’avait toujours pas bu. Il avait eu l’intention de le faire en entrant dans le magasin, et il avait oublié. Il avait l’impression de ne pas pouvoir garder une seule pensée dans sa tête.
— Que quelqu’un m’apporte de l’eau. S’il vous plaît…
Personne ne bougea. Pourquoi refusaient-ils de l’écouter ? Il n’était pas déraisonnable. Il avait simplement besoin d’aide. Il voulait que la douleur lancinante dans son épaule cesse enfin. Et les palpitations dans son crâne. Il voulait ne plus avoir l’impression que sa bouche était pleine de sable. Il voulait ne plus transpirer comme s’il se trouvait à Nasiriyah. Incapable de comprendre pourquoi personne ne lui venait en aide, il s’emporta soudain :
— Apportez-moi de l’eau ! Immédiatement !
Il agita ses pistolets pour mieux se faire comprendre.
Quelques
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