L’élixir du diable
s’y affairer, accomplissant les gestes routiniers du samedi matin. Je remarquai le lave-vaisselle ouvert, les casiers sortis et encore à moitié pleins, mais ce qui retint surtout mon attention, ce fut le réfrigérateur.
Je m’en approchai.
Chaque centimètre carré de sa porte était recouvert, de photos, de dessins et de souvenirs personnels, comme un montage de la vie de Michelle. Je ne parvenais pas à en détacher mon regard. Le reliquaire des jours heureux, un témoignage sur une femme et son fils, sur la multitude de moments heureux qu’ils avaient partagés et auxquels je n’avais pas pris part, des moments qu’Alex ne connaîtrait plus jamais avec sa mère.
Je demeurai ainsi, comme pétrifié, les photos s’imprimaient en moi – Alex bébé, Michelle et lui dans un jardin public, à la piscine, à la plage –, toutes illuminées par de grands sourires ou des visages hilares. Ma gorge se serra quand j’examinai les dessins d’Alex, représentations grossières et colorées de bonshommes, d’arbres et de poissons, lettres mal formées, expressions charmantes d’une innocence que l’enfant ne retrouverait probablement jamais. Enjambant les années, mon esprit me projetait dans ces scènes, me tourmentant avec ce qui aurait pu être.
— Elle a eu une vie agréable, on dirait.
Les mots de Villaverde me tirèrent de ma rêverie.
— Ouais, fis-je en hochant lentement la tête.
Il me rejoignit, contempla un moment les souvenirs en silence.
— Les techniciens ont tout inspecté, me dit-il, alors si tu veux emporter quelque chose…
Je le regardai, il haussa les épaules. Je me tournai de nouveau vers le frigo, détachai une photo de Michelle et d’Alex posant à côté d’un château de sable sur une plage.
— On jette un coup d’œil au reste de la maison, suggérai-je en glissant la photo dans ma poche de poitrine.
Les autres pièces n’avaient pas été touchées. Des photos encadrées de Michelle et d’Alex m’interpellèrent encore lorsque je traversai le séjour et la grande chambre, mais rien dans l’une ou l’autre pièce ne me parut déplacé ou susceptible de nous aider dans nos investigations. La chambre d’Alex me posa un problème : je savais que cela l’aiderait d’avoir avec lui un de ses objets préférés, mais je ne savais lequel prendre. Elle était encombrée de toutes sortes de jouets et de livres et les murs étaient couverts d’une fresque colorée d’affiches de dessins animés et d’autres dessins de la main d’Alex. Je me décidai pour les draps décorés de personnages de contes et pour les trois animaux en peluche qui y étaient couchés. Je défis les draps du lit, les roulai en boule et pris également quelques vêtements dans son placard.
La dernière pièce que nous inspectâmes était la troisième chambre, la plus petite. Michelle en avait fait un bureau, avec une table de travail en bois sombre, des étagères de livres et un divan profond jonché de coussins en velours. Parmi les livres se nichaient d’autres photos et souvenirs du passé de Michelle. Je remarquai, en plus des romans et des guides touristiques, quantité de bouquins New Age dont je me souvins qu’elle était férue, ce dont je me moquais à l’époque. Tout dans cette pièce était chaleureux, imprégné du goût éclectique de Michelle, et me convainquit plus encore qu’elle allait terriblement manquer à Alex.
En examinant les étagères, je remarquai aussi un petit routeur noir sans fil posé sur une boîte de rangement orange. Je m’en approchai, constatai que son voyant LED était allumé. Je regardai autour de moi, repérai une petite imprimante à jet d’encre sur une table basse près du bureau. Mon regard se porta sur le bureau lui-même, mais il n’y avait pas d’ordinateur. Un fil blanc serpentait cependant vers un transformateur Apple relié à la prise du mur.
Mais pas d’ordinateur.
Je me tournai vers Villaverde.
— Quelqu’un a noté la présence d’un ordinateur ? Un portable, ou même un iPad ?
— Une seconde, dit-il en prenant son téléphone.
Je parcourus la pièce des yeux, ne vis d’écran nulle part. Je retournai dans la grande chambre, le séjour et la cuisine.
Rien.
Le coup de téléphone de Villaverde nous apprit que les inspecteurs de la Crim qui avaient fouillé la maison n’avaient pas trouvé d’ordinateur. Sinon, ils l’auraient noté dans leur rapport et auraient envoyé l’engin au labo.
— Elle n’en avait
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