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L’élixir du diable

L’élixir du diable

Titel: L’élixir du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Raymond Khoury
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de l’appel de Reilly. Ce n’était jamais facile pour elle quand il était en mission, elle ne savait jamais exactement où il était ni quel danger il courait. Elle éprouvait cette angoisse ce soir-là et s’apprêtait à appeler Sean quand son nom était apparu sur l’écran de son téléphone. En entendant sa voix, elle avait eu la réaction habituelle de soulagement et de joie – sauf que cette fois cela n’avait pas duré.
    Elle se rendait compte qu’il avait fait de son mieux pour la ménager, elle devait reconnaître qu’il avait choisi ses mots avec soin et les avait prononcés avec une grande sensibilité, mais la nouvelle était quand même une bombe, et malgré tous les efforts de Sean Tess se sentait déchirée, écartelée dans toutes les directions, comme passée sous un rouleau compresseur de tristesse, de souffrance, de compassion, auxquelles se mêlait – elle devait l’avouer – une pointe de jalousie.
    A la fin, elle s’était sentie hébétée, émotionnellement meurtrie et physiquement exténuée, et son cœur se brisa en morceaux plus petits encore quand elle songea que, quelles que soient ses souffrances, celles de l’homme qu’elle aimait étaient sûrement plus terribles encore.
    Et au sommet de cette montagne de douleur il y avait bien sûr cette jeune femme qui venait de perdre la vie, et cet enfant de quatre ans qui venait de voir sa mère mourir.
    Une seule réponse lui était venue à l’esprit, avant de raccrocher : « Je prends l’avion demain matin. »
    D’un ton calme, qui ne laissait aucune place à la discussion.
    Il n’avait d’ailleurs pas discuté.
     
    — Ça va ? me demanda Villaverde quand je retournai dans son bureau.
    — Oui.
    J’éprouvai une sensation peu familière de vide et de froid intérieurs. Jetant un coup d’œil à la vitre, à Alex, j’ajoutai : — Emmenons-le à l’hôtel. Mais une fois qu’on l’aura bordé il y a une chose que je veux faire.
    — Je t’écoute.
    — La maison de Michelle, dis-je à David. Je veux la voir.

11
    Il régnait ce soir-là, dans la rue où avait vécu Michelle, un silence quasi comateux, comme si, après le choc des événements, ce quartier résidentiel et tranquille s’était refermé sur lui-même. Une voiture de patrouille solitaire était garée devant la maison et un ruban jaune de la police entourait jardin et bâtiment, ultime écho de la tornade de violence de la journée.
    A l’intérieur, ce n’était pas la même chanson.
    Une grande plaque de sang coagulé nous accueillit, Villaverde et moi, quand nous entrâmes. Il en partait un filet rouge qui s’incurvait en s’éloignant de la porte et je me représentai ce qui avait dû se passer : les tueurs avaient poussé le corps du mec de Michelle sur le côté quand ils s’étaient rués dehors avec leur copain blessé, peut-être mourant. Une autre trace de sang – celle du blessé, sans doute – sinuait vers l’intérieur de la maison et disparaissait dans un vestibule obscur, escortée par les empreintes de pas sanglantes d’au moins deux autres types.
    Je m’avançai en m’efforçant d’éviter les taches rouges du sol. L’endroit était jonché de matériel laissé par la police scientifique : gants de caoutchouc, fiches, poudre noire pour empreintes digitales, dévidoirs de ruban adhésif. J’avais toujours été frappé par la rapidité avec laquelle la mort prend possession des territoires qu’elle envahit, aspire toute vie et toute lumière de la demeure d’une victime, laissant l’impression qu’elle est abandonnée depuis des années. Ce ne fut pas différent cette fois encore et l’irrévocabilité brutale de la scène me parut d’autant plus poignante que j’avais été autrefois très proche de Michelle.
    Je suivis la piste macabre jusqu’au bout d’un étroit couloir qui conduisait à la cuisine. Autre endroit couvert de sang. Il y en avait partout : sur le sol, sur les murs. Je fus submergé par une déferlante d’images reposant sur ce que Michelle m’avait raconté. Je l’imaginai plongeant le couteau de cuisine dans le cou de son agresseur, faisant jaillir les giclées rouges qui tachaient le mur. J’imaginai l’homme s’effondrant par terre, à l’endroit de la grande flaque de sang, puis tiré hors de la maison, agonisant ou déjà mort, ses pieds laissant une double traînée visqueuse.
    Je pénétrai dans la cuisine, relativement peu en désordre. Je pouvais voir le fantôme de Michelle

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