L’élixir du diable
Oui, persista-t-il. C’est ce que je leur ai dit.
« Leur ait dit ». Pas « lui ai dit ».
— Alex… A qui d’autre tu as parlé du dessin ?
Pas de réponse.
— Alex ? Tu as dit que tu ne savais pas à ta maman et à quelqu’un d’autre. Qui était-ce ? A qui d’autre tu as parlé du dessin ?
Après avoir hésité, il lâcha :
— A Jim.
Tess sentit un picotement parcourir sa nuque.
— Qui est-ce, Jim ?
Alex plissa le front, répondit :
— Le copain de maman.
Tess fut déroutée. Reilly lui avait parlé d’un Tom, pas d’un Jim.
— Tu l’as vu où, Jim ?
— A son bureau, avec maman. Il a un aquarium. Il m’a laissé donner à manger aux poissons.
— Pourquoi ta maman t’a posé des questions sur ce dessin ? Qu’est-ce qu’il a de spécial ?
— Rien.
L’esprit de la jeune femme partait dans toutes sortes de directions, dont aucune ne lui apparaissait clairement. Elle décida de revenir une dernière fois à sa première question et indiqua le personnage avec le jouet dans la main.
— Mais là, c’est bien toi ?
Alex coula un regard oblique au dessin, acquiesça d’un signe de tête hésitant.
— D’accord, donc… Là, c’est qui ? demanda-t-elle avec douceur en désignant l’autre personnage. Répète-moi ce que tu as dit à Jim, j’aimerais vraiment le savoir. Qui est-ce ?
Après un silence, et toujours sans regarder Tess, le garçonnet répondit : — C’est personne.
Tess sentait qu’il cachait quelque chose. Elle sentait aussi qu’il avait peur.
Ce qui confirmait ce qu’elle soupçonnait : c’était important.
Qui était Jim et pourquoi Michelle avait-elle conduit Alex dans le bureau de cet homme ?
Elle ne voulut pas continuer à interroger Alex, elle se reprochait déjà de l’avoir bousculé. Mais elle n’avait personne d’autre à qui poser ses questions. Elle ne connaissait pas les amis de Michelle, elle ignorait si l’ex de Sean avait des parents dont elle avait été proche, et même si c’était le cas, elle n’était pas sûre que Michelle leur en aurait parlé.
Il n’y avait qu’un endroit où elle pouvait peut-être obtenir un début de réponse.
— Tu vas à quelle école, Alex ?
31
Il fallait absolument trouver Gourou.
Le problème, c’était qu’il n’avait apparemment pas envie qu’on le trouve.
Entre Karen et les fichiers de l’ATF, nous avions une bio à peu près correcte, quoique incomplète, de l’individu. Pennebaker et Walker – Gourou et Wook –, deux gars du coin qui s’étaient retrouvés à Camp Pendleton, où ils avaient rejoint les rangs de la 1 re division de Marines. Ils avaient tous deux servi en Irak en 2003 et 2004, d’abord contre la Garde républicaine irakienne puis contre des rebelles plus combatifs et plus dangereux, un mélange de miliciens locaux et de mercenaires étrangers qui se détestaient mutuellement et dont le seul lien était leur haine commune des troupes américaines et britanniques en Irak. Fait plus important, Pennebaker et Walker s’étaient battus côte à côte à Falloujah, pendant l’opération Phantom Fury, une semaine de combats de rues sanglants et sordides qui avait profondément marqué tous ceux qui y avaient participé. Ils avaient tous deux réussi à rentrer en Californie avec leurs quatre membres intacts et de bons états de service, mais selon tous les témoignages, c’étaient des hommes changés et désillusionnés qui avaient quitté l’Irak. Des hommes aigris et en colère, selon Karen. Ils avaient démissionné de l’armée dès qu’ils avaient débarqué sur le sol des Etats-Unis et avaient regagné le comté de San Diego. Peu de temps après, ils fondaient les Aigles de Babylone. C’était Pennebaker, semblait-il, qui avait trouvé le nom du club.
Deux ou trois camarades de guerre s’étaient joints à eux, ainsi que le jeune frère de Pennebaker, Marty, qui glandait depuis un moment et subsistait tant bien que mal. Les deux visages de la galerie de photos du club-house qui ne correspondaient pas à un des cadavres retrouvés sur place, c’étaient eux, les frères Pennebaker. Un an après la création du club, suite à une bagarre avec une bande de motards rivale, Marty s’était vidé de son sang dans une ruelle. Pennebaker avait pété les plombs. Il avait retrouvé le type qui avait saigné son frère et l’avait illico transformé en bouillie. Puis il avait surpris tout le monde en se livrant à la police.
Au procès, deux éléments
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