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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Louvre. Bellegarde, à ce que j’observai à
plusieurs reprises, ne se gênait pas, quant à lui, pour parler fort longuement
et en public à l’oreille du roi lequel, tout en feignant l’indifférence,
l’écoutait avec attention. Je suis bien assuré que le duc, qui ne voyait malice
à rien, agissait ainsi en toute innocence (et aussi en toute impunité, étant
trop haut pour pâtir de ses imprudences) mais enfin il faisait partie du
Conseil de régence et même s’il portait peu de compréhension aux choses qui s’y
disaient, Louis, lui, était capable en l’écoutant de démêler, comme eût dit La
Barge, l’essentiel de l’accessoire.
    Que Louis eût d’autres sources d’information que moi, je
n’en fus point du tout jaloux, mais au rebours content, étant de reste
convaincu que Louis, comme il avait fait avec moi à l’aide d’un langage muet,
avait su organiser le flux secret et constant de ses sources, tant est qu’en
rassemblant tout ce qui lui venait d’elles, il parvenait à remplir les lacunes
de ses connaissances et à entendre assez bien la signification d’un événement,
dont le fait brut, et seulement le fait brut, était porté à sa connaissance.
    J’en eus la preuve quelques semaines après la visite du
président De Thou, le sept avril 1614 pour être plus précis, à huit heures du
soir après une brève visite protocolaire du roi à la reine, au cours de
laquelle elle omit de lui apprendre – sottement, à mon avis, car la
nouvelle faisait déjà le tour du Louvre – la mort du connétable de
Montmorency. Quelques minutes plus tard en effet, Bellegarde le vint dire au
roi qui en parut ému. « J’en suis marri », dit-il et, aussitôt après,
il fit une réflexion lourde de sens et la fit sans y toucher, comme se parlant
à lui-même :
    — Il y en aura beaucoup qui demanderont cette charge.
Mais il ne la faut donner à personne.
    Cette remarque prouvait que Louis connaissait, en fait,
beaucoup de choses : à savoir qu’Henri IV, comme Henri III avant
lui, était fort hostile à la connétablie, comme conférant au récipiendaire une
puissance presque égale à celle du souverain ; qu’Henri III ne
l’avait jamais voulu accorder au duc de Guise, alors même qu’il l’exigeait de
lui, quasiment le couteau sur la gorge ; qu’Henri IV ne l’avait
donnée au duc de Montmorency que pour le retirer du Languedoc où il se
conduisait en vice-roi et le ramener à la Cour à un âge où le vieillissement de
son corps et l’affaiblissement de son esprit conspiraient à le rendre
inoffensif ; que Louis n’ignorait pas que les ducs fidèles à la régente,
Guise et d’Épernon, aspiraient tous deux à ce grand office ; et enfin,
qu’il n’avait pas en eux plus de confiance qu’aux Princes révoltés de Mézières,
sa radicale et constante hostilité à l’égard des Grands étant établie alors en
son esprit avec une force que rien, dans la suite de son règne, ne pourra
ébranler.
     
    *
    * *
     
    Son ressentiment à leur égard m’apparut bien clairement
trois ou quatre jours plus tard quand, après dînée, Monsieur de Blainville vint
lui dire que la régente lui avait commandé d’armer ses gardes en guerre, quand
il devrait sortir de Paris pour accompagner le roi à la chasse.
    Je n’aimais guère Monsieur de Blainville, que je soupçonnais
d’espionner Louis pour le compte de la reine et je trouvais le commandement
qu’elle lui avait donné quasi comique en sa stupidité, car bien loin de penser
à s’aventurer jusqu’à Paris pour se saisir du roi, le prince de Condé, aux
bruits qu’il avait ouïs que les armées de Sa Majesté s’étaient renforcées en
Champagne de six mille Suisses, avait quitté Soissons où il négociait la paix
avec les envoyés de la reine et s’était retiré prudemment à Sainte-Menehould
avec le peu de troupes qu’il avait. Voilà, à mon sentiment, qui montrait peu de
pointe et de vaillance et ne donnait pas lieu de redouter de sa part une
entreprise aussi aventurée que l’enlèvement du souverain.
    Il se peut que Louis ne connût pas encore la retraite de
Condé à Sainte-Menehould, car s’il montra du déplaisir qu’on armât ses gardes
en guerre, ce ne fut pas en raison de l’absurdité de ce commandement, mais pour
un tout autre motif.
    — Pourquoi donc ? dit-il vivement. Le peuple de
Paris pensera que j’ai peur quand il verra cela ! Je n’ai point
peur ! Je ne crains pas les Princes !
    À

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