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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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gâter faute de soins pendant les deux longs mois qu’allait
durer le voyage.
    Le quatrième carrosse, entièrement féminin, emportait dans
ses flancs deux chambrières, deux coiffeuses et une curatrice aux pieds,
lesquelles se trouvant jeunes et accortes, étaient surveillées par une sorte de
majordome femelle, afin qu’elles ne semassent pas la zizanie parmi les hommes
de ce train en leur donnant le bel œil.
    Le cinquième carrosse qui, bien qu’il fût armorié, avait
bien plus l’air d’un coche, était dévolu à un cuisinier, deux gâte-sauce et
trois marmitons, ainsi qu’aux instruments encombrants de leur art.
    Deux chariots suivaient. Le premier contenait les armes, les
roues de rechange et les essieux de secours. Le second, les coffres, les
tentures et tapis destinés à embellir ou accommoder à l’étape le gîte des deux
hautes dames. Deux charrons et trois maréchaux-ferrants montés sur des mulets
suivaient le premier de ces charrois. Ils s’avérèrent quant à eux fort utiles,
vu que les grands chemins étaient, malgré les efforts de Sully, inégalement
empierrés et, depuis la mort de notre Henri, mal entretenus par les seigneurs
dont ils traversaient les terres.
    Montés sur de grands chevaux, une douzaine de soldats dont
les beaux hoquetons étaient frappés aux armes des Guise, fermaient la marche,
robustes ribauds de Lorraine, plus arrogants que leur maîtresse et dont le rôle
apparemment guerrier, n’était, vu la présence de Suisses, que d’apporter
décorum et honneur en cette suite dont le lecteur voudra bien convenir qu’elle
était, en effet, plus que modeste, et quasi déshonorante, pour une princesse du
sang…
    Et le duc de Guise ? m’ira-t-on demander. Lecteur, il
n’était point là ! Il boudait le voyage comme il avait boudé le sacre de
Louis, mais pour une tout autre raison : la régente avait donné le
commandement des Suisses à Bassompierre.
    — Mon fils, me dit le marquis de Siorac, ne vous faites
point d’illusions : Le pis dans ces voyages, c’est le nombre. J’ai
accompagné, sous le règne d’Henri III, le duc d’Épernon dans un grand
voyage de Paris en Guyenne, le duc y devant rencontrer notre Henri, alors roi
de Navarre. On avait voulu, pour des raisons politiques, que la pompe fût
grande en cette ambassade. Et le cortège se trouva fort de trois mille
personnes. Et vous ne sauriez imaginer sur les poudreuses routes de France
l’interminable ruban de ces carrosses, de ces chariots, de ces cavaliers
progressant avec une lourde lenteur, sous un soleil de plomb, dans le vacarme
assourdissant des sabots et des roues, sans compter le nuage étouffant de
poussière qu’ils soulevaient, les arrêts brutaux, les turbulences des chevaux,
les ruptures de roues ou d’essieux, le versement des carrosses, les cris et les
querelles et pour finir, la quasi-impossibilité de trouver en suffisance
viandes et gîtes à l’étape pour tant de monde ! Bref, un cauchemar !
Dante n’a rien décrit de plus horrible dans son Inferno !
    —  De grâce, Monsieur mon père ! dis-je en
riant, ne poussez pas votre description plus avant : vous allez
m’épouvanter !
    — Tel n’est pas mon dessein, dit mon père avec un
sourire, mais de nous épargner à tous trois cette odieuse géhenne. Toutefois il
y faut, mon fils, votre agrément. Je compte, en effet, demander à la régente,
par l’intercession de votre bonne marraine, d’être de ceux qui partiront en
avant-garde pour préparer le gîte à l’étape. Je l’obtiendrai sans peine, je
pense, car c’est grand tracas et labeur que cet office-là.
    — Et pourquoi donc, mon père, vous allez vous mettre un
tel emploi sur le dos ?
    — Parce qu’entrant en carrosse une heure et demie avant
Leurs Majestés, il nous permettra d’échapper à la lenteur, à la noise, à
l’embarras et à l’épouvantable poussière du cortège.
    — Mais il faudra se lever à la pique du jour ! dit
La Surie d’un ton plaintif.
    — En effet. En revanche. Chevalier, nous voyagerons
plus vite et sans les incommodités que j’ai dites et nous serons aussi, quant à
nous trois, assurés à l’étape d’un gîte et de quelques viandes, avant qu’elles
renchérissent et se raréfient.
    — C’est bien pensé, Monsieur mon père, dis-je après y
avoir rêvé un instant. Et pourquoi faut-il mon agrément à ce projet ?
    — Pour ce que, l’accord de la régente acquis, il serait
disconvenable qu’un

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