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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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sa
femme, il se défit de sa charge de général des galères et entra dans un ordre
religieux, l’Oratoire, qui se donnait pour but de « tendre totalement à la
perfection de l’état sacerdotal ».
    Sa défunte épouse lui avait donné trois fils dont deux
survécurent. Le premier eut le bonheur de recueillir le titre de duc et pair
qui, dans la branche aînée des Gondi, était tombé en quenouille faute
d’héritier mâle. Mais, que de cruelles larmes arracha à Philippe-Emmanuel son
fils cadet, Jean-François-Paul, le trop fameux cardinal de Retz, fameux certes
par son esprit et sa plume, mais aussi par ses impiétés, ses libertinages et la
part qu’il prit à la Fronde !
    En 1614, ces temps étaient loin encore et Philippe-Emmanuel
n’avait alors que trente-trois ans et commandait les galères. Mais il avait
déjà ce long visage austère et méditatif sur toute la longueur duquel se lisaient
la crainte de Dieu et le respect des dix commandements. Toutefois, il avait
aussi le sens de la famille et en cette brûlante journée d’août, il accompagna
au château de Nantes l’enfant prodigue, qu’il désirait soutenir et conseiller
en son acte de contrition.
    Il fit bien, car ce fol de duc de Retz, qui n’avait que
vingt-sept ans, et en paraissait dix de moins, ne sut dire au roi, au retour de
son équipée bretonne, que cette phrase étonnante : il s’excusait de n’être
pas venu plus tôt lui faire la révérence.
    Sans lui donner sa main à baiser, sans lui faire l’aumône
d’un regard, Louis ne répondit ni mot ni miette à cette bancale excuse, tant
est qu’un lourd silence tomba dans la salle et que le jeune duc, se retirant
pas à pas à reculons, revint s’abriter, la crête basse, sous l’aile de son
oncle, lequel, penchant vers lui sa longue face chevaline, lui dit dans un
murmure qui fut entendu de tous :
    — Or sus, Monsieur mon neveu, il faut passer outre et
demander carrément pardon.
    Le duc était blanc comme carême, et de grosses gouttes de
sueur tombant de ses joues gâtaient son col en dentelle de Venise. À la parfin,
s’approchant du roi, il se génuflexa derechef et parlant d’une voix sans
timbre, il y alla de son confiteor.
    — Sire, je vous demande pardon et vous assure de mon
amour et de ma fidélité.
    La salle retint son souffle et Louis, considérant longuement
le duc génuflexé devant lui, dit à la fin :
    — Monsieur de Retz, quand vous me témoignerez de votre
amour par des effets, je vous aimerai aussi.
    Bien que Louis eût alors les mains vides, il suffisait
d’ouïr cette parole à la fois écrasante et modérée pour l’imaginer, siégeant
sur son trône et tenant dans sa dextre la main de justice qu’il avait reçue à
son sacre.
    Cette scène avait fait sur moi une si profonde impression
par ce qu’elle révélait de clairvoyance et de fermeté dans le caractère du roi
que je la contai le soir même à mon père et à La Surie, lequel toutefois
suggéra que cette phrase que j’admirais tant avait pu être dictée à l’avance à
Louis par Monsieur de Souvré.
    — Détrompez-vous, Chevalier ! dis-je avec feu, le
roi n’accepte plus d’être le perroquet qui répète les phrases que Monsieur de
Souvré, sur l’ordre des ministres, lui baille par écrit. Il y a cinq jours,
quand Louis a ouvert les états de Bretagne dans la grande salle du couvent des
Jacobins, il les a ouverts par des mots de son cru et non pas par ceux qu’on
avait voulu lui mettre dans la bouche.
    — Et quels étaient ces mots de son cru ? dit mon
père.
    — Les voici : « Messieurs, je suis venu ici
avec la reine ma mère pour votre soulagement et repos. »
    — Et quelles étaient les paroles de Monsieur de
Souvré ? dit La Surie.
    — Monsieur de Souvré ne me les a pas répétées, mais je
sais qu’elles étaient différentes puisqu’il a reproché à Louis, sans du reste
l’émouvoir, l’infidélité à son texte. Vous remarquerez en outre. Chevalier, que
«  le soulagement  » et le «  repos  » promis aux
États de Nantes avaient dans la bouche de Louis un sens politique : il
voulait dire que le roi allait mettre fin aux exactions cruelles et répétées
que Retz et Vendôme avaient commises aux dépens des Bretons.
    Il y avait de quoi, en effet, les envoyer tout bottés au
gibet, s’ils n’avaient été ducs. Et Retz, ayant déjà retiré ses
« billes » (une soldatesque qui s’était livrée sur les paysans sans
défense à

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