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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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cent mille livres pour acheter à Monsieur de Bouillon sa charge de premier
gentilhomme de la Chambre. Quatre mois à peine après la mort du roi, ce funeste
couple a coûté au trésor six cent cinquante mille livres !
    Mon père et moi avions vécu très retirés depuis la
disparition de notre Henri, étant comme immergés dans notre profonde douleur
et, bien que nous ayons eu quelques échos de ce qui se passait à la Cour, où de
quatre mois nous n’avions mis les pieds, jamais la vérité ne nous avait été
exposée avec autant de précisions et de chiffres. Quant à Concini, je l’avais
vu deux fois dans ma vie : la première fois au bal de la duchesse de Guise
où l’arrogant bellâtre s’était invité avec la dernière impudence, se disant de
la suite de la reine, alors même que celle-ci n’était pas encore arrivée chez
Madame de Guise. Mon père me l’avait alors montré, causant avec Vitry, et
j’avais, je m’en souviens, fait une remarque sur la fausseté de ses yeux
obliques. La seconde fois, je le vis lors d’une course à la bague. Je
m’entretenais avec Mademoiselle de Fonlebon au milieu de l’essaim bourdonnant
des demoiselles d’honneur et je fus distrait de son charmant commerce par
l’audace éhontée de cet aventurier qui, voyant le connétable de France prendre
congé de la reine, avait osé s’asseoir à sa place à la droite de Sa Majesté, et
qui pis est, aux yeux de toute la Cour, lui parler longuement à l’oreille. Et
ce fourbe, qui si souvent à Florence avait été emprisonné ou banni pour ses
méfaits et ses dettes, était maintenant marquis d’Ancre en France ! Il
portait le nom et le titre d’une vieille noblesse terrienne ! Il en
arborait les armes, lui qu’on n’avait jamais vu une épée à la main ! Pis
même, en qualité de marquis d’Ancre, il allait être invité au sacre du petit
roi.
    — Cette pluie de faveurs et de pécunes sur ce bas
coquin, reprit l’Estoile, a eu deux conséquences également mauvaises. Elle a
enragé de jalousie les princes et les ducs – ceux qu’on appelle les
Grands – sans doute parce que leurs ambitions sont si petites et leurs
appétits, si démesurés. Et ils menacent aujourd’hui la reine de se retirer de
la Cour et de lever contre elle des soldats s’ils ne sont pas aussi bien garnis
que les Florentins… Et la régente va céder ! Les Barbons, toujours
couards, l’y poussent et le trou dans le trésor va se creuser davantage !
    — Et la deuxième conséquence ? dit mon père voyant
que l’Estoile se taisait.
    — J’ose à peine la dire, mon ami. Le peuple, qui court
vite aux supputations extrêmes, surtout quand elles sont éhontées, est
convaincu que Concini est l’amant de la reine.
    — Ce qu’il n’est sûrement pas, dit mon père.
    — Je le décrois aussi, mais Concini lui-même, pour se
donner du crédit à la Cour, fait tout ce qu’il peut pour accréditer cette
légende. Un gentilhomme m’a affirmé l’avoir vu, au sortir de la chambre de la
reine où il s’était entretenu seul avec elle, affecter ostensiblement de
renouer l’aiguillette de sa braguette.
    — Quelle vilité ! s’écria La Surie très à la
fureur. Quelqu’un ne se trouvera donc pas pour passer son épée à travers le
corps de ce faquin ?
    — Ce quelqu’un n’en aurait pas le temps, dit mon père
en posant sa main sur celle de La Surie. Concini, à ce qu’on m’a dit, est
toujours très fortement accompagné.
     
    *
    * *
     
    Je ne dormis guère la nuit qui suivit cet entretien tant les
chances de ma Gräfin de revenir vivre à Paris me parurent compromises.
Comment, en effet, une régente qui avait admis en son Conseil de la petite
écritoire un père jésuite, un nonce du pape et l’ambassadeur d’Espagne,
pourrait-elle admettre que revînt sur son territoire une calviniste si proche
de l’Électeur palatin ?
    Cependant, au déjeuner du matin, mon père me trouvant les
yeux battus et la mine basse, m’en demanda la raison et comme tout en parlant,
il me posait le bras sur l’épaule et m’attirait à lui, je fondis à tant de
bonté et lui confiai le pourquoi de mon déconfort.
    — Hé ! Ne croyez pas cela ! dit-il. Ce n’est
pas sûr ! Les choses sont plus compliquées ! La régente vient
d’assurer aux protestants de France que l’Édit de Nantes ne sera pas révoqué.
    — Et pourquoi diantre fait-elle cela ? dis-je,
béant. Serait-elle devenue d’un coup

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