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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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sont les trois favoris qui gouvernent.
    — Il n’y en a pas trois, dit l’Estoile en levant la
main. L’avocat Dolé ne compte pas. Il n’est là que pour donner une apparence légale
à l’illégalité. Concini compte assurément, mais comme bouclier et mari de la
Leonora. C’est elle, la vraie, la seule favorite, possédant un pouvoir sans
limites sur l’esprit de…
    Mariette apparaissant dans la salle, l’Estoile s’interrompit
et dit :
    —  Istius mulieris, à laquelle on la donna en ses
maillots et enfances comme compagne de jeux. C’était la fille de sa nourrice.
Ce qui donne à penser à d’aucuns que si elle a tant de crédit sur, sur…
    — La personne en question, souffla mon père.
    — C’est qu’elles ont tiré les mêmes mamelles et bu le
même lait.
    — Fadaise et superstition ! dit mon père.
    — Oui-da, mon ami, dit l’Estoile, vous avez raison. Ce
n’est là qu’une turlupinade ! La vraie raison, c’est que cette fille de
basse extraction, laide à faire peur, malitorne [4] ,
irregardable, le corps tordu, les nerfs détraqués, une face bizarre avec des
traits d’homme et des yeux fulgurants – ce monstre, en bref, a beaucoup
d’esprit et la personne en question n’en a guère.
    Il fit une pause pour laisser à Mariette le temps de fermer
l’huis sur elle.
    — À s’apercevoir de l’immense ascendant qu’elle prenait
sur la fillette, sa cadette de cinq ans, on eût dû, à Florence, la séparer
d’elle aussitôt. Mais Marie de Médicis étant fort opiniâtre, le grand duc de
Toscane imagina de se servir de Leonora pour gouverner à son gré sa nièce.
Hélas c’était la souder à elle davantage. Notre Henri, dans ses débuts, donna
dans la même erreur. Lui aussi utilisa cette influence, en soi si pernicieuse,
pour ramener la paix dans son ménage, quand sa liaison avec la Verneuil donnait
de l’ombrage à la reine. Mais il ne faillit pas à s’apercevoir à la longue que
la Leonora, si elle pouvait le servir, pouvait aussi le desservir.
    — De quoi Leonora pâtit-elle en son corps ?
demanda mon père, chez qui le médecin reprenait toujours le dessus.
    — De tout ! De la tête. De l’estomac. Du ventre.
Des jambes. Mais surtout des nerfs. Il arrive parfois à ses chambrières de la
trouver assise sur une chaise, toute renversée en arrière, incapable de parler,
de bouger et tremblant de tous ses membres. Elle dort peu, elle mange à peine
et, hors la reine, elle ne voit personne.
    — J’ai ouï raconter, dit La Surie, qu’elle logeait au
Louvre.
    — C’est vrai, dit l’Estoile, dans un petit appartement
situé au-dessus de ceux de la reine et relié à eux par un viret. Et chaque
soir, après le souper, la noiraude descend comme une grosse araignée dans la
chambre de Marie et tisse ses toiles autour de la reine jusqu’à ce que la
malheureuse en soit engluée et fasse ce qu’elle décide et désire.
    — Et que désire-t-elle ?
    — L’or. Il se peut que Concino Concini, lui, aspire au
pouvoir et que ses ambitions soient infinies. Mais pour Leonora, la chose est
claire. Sa passion, c’est la pécune ! Vous pourrez l’appeler chiche-face,
pleure-pain, pincemaille, que sais-je encore ? vous ne pourrez jamais
décrire l’immense et maladive avarice dont elle est possédée.
    — Et elle arrive à ses fins ?
    — Déjà du temps du feu roi, elle soutirait des sommes
considérables à la reine. Mais celle-ci, après la mort d’Henri, ne se sentant
plus bridée par une main ferme, en est venue à puiser à pleines mains dans le
Trésor royal et à bailler des fortunes à sa favorite.
    — En est-on rendu à ce point ? dit mon père avec
effarement.
    — Oui-da ! et cela passe l’imagination !
Voulez-vous un exemple ? La reine vient de donner à Leonora trois cent
trente mille livres pour acheter le marquisat d’Ancre dont elle a pris le
titre.
    — Marquise d’Ancre ? Cette fille de rien !
s’exclama le chevalier de La Surie, qui tenait d’autant plus à sa noblesse
qu’il l’avait conquise par sa vaillance au service du roi.
    — Et Concini, marquis ! dit l’Estoile. Mais je
doute qu’il puisse aller plus loin, car c’est à Leonora qu’appartient le
marquisat. Et elle s’est mariée sous le régime de la séparation de biens. En
revanche, Concini, lui, a reçu de la reine cent vingt mille livres pour acheter
à Monsieur de Créqui la lieutenance générale de Péronne, Montdidier et Roye, et
deux

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