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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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de cela, mon jeune ami, que
s’inquiètent les grands personnages que j’ai nommés, y compris le père Cotton
qui pourtant fut loin d’être étranger à l’évolution que je viens de décrire et
se demande à s’teure s’il n’est pas allé trop loin dans la répression de
l’instinct.
    — Ces gens-là s’en inquiètent ! criai-je. Il
serait temps ! Et pourquoi diantre s’en soucient-ils ?
    — Mais cela va de soi ! En raison du mariage
espagnol ! dit Fogacer vivement. Que sera l’influence de l’infante
espagnole si, devenue reine de France, son mari ne consent pas à
l’approcher ?
    — Voilà bien nos petits Machiavels ! dis-je avec
emportement. Ils mettent les gens au mortier, les y malaxent corps et âme, et
s’étonnent ensuite qu’ils ne répondent pas à leurs vœux !
    — Quoi qu’il en soit, reprit Fogacer, l’un de ceux qui
étaient présents à cet entretien…
    — Et que vous ne nommerez point, dit La Surie.
    — … suggéra qu’on pourrait proposer de prime à Louis
une femme d’expérience avec qui il pourrait aiguiser ses couteaux, afin qu’il
ne fût pas condamné à faire ses preuves avec una donzella.
    —  Et celui qui parlait ainsi étant italien, dit
La Surie, il ne peut s’agir que du nonce.
    — Paix-là, Miroul ! dis-je.
    — Mais le père Cotton, reprit Fogacer, s’éleva contre
ce projet. Il tenait pour sûr que le roi ne voudrait pas pécher avec une femme
qui ne serait pas son épouse.
    — Nous voilà bien ! dit La Surie.
    — De grâce, Chevalier ! dis-je, sourcillant
quelque peu.
    — Ces messieurs, poursuivit imperturbablement Fogacer, tombèrent
enfin d’accord pour estimer que le roi ne sent pas avec assez de force
l’aiguillon de la chair pour passer outre à sa vergogne. Tant est qu’ils se
demandent s’il n’y a pas dans la situation un élément qu’il y aurait peut-être
lieu d’examiner, afin qu’on sût si, le moment venu, l’aversion de Louis pour
les femmes est susceptible de guérir ou si, au rebours, elle est irrémédiable.
    — Jour de Dieu ! dis-je. Que veut dire ce
galimatias ! Et de quel « élément » voulez-vous donc
parler ?
    Fogacer recula sa chaire de la table, tendit devant lui ses
jambes interminables et, les yeux fermés, les mains croisées sur son ventre,
balança un temps avant de répondre. Et quand enfin il se décida, il ouvrit
grands ses yeux perçants et les fichant sur moi, arqua son sourcil diabolique
et dit d’un ton feutré :
    — L’amitié de Louis pour Luynes…
    Je demeurai sans voix, hésitant à entendre son propos. Mais
à la façon dont Fogacer prononça le mot « amitié » et connaissant le
personnage, je ne pus douter plus longtemps du sens qu’il y mettait.
    — Fogacer ! criai-je avec indignation. Voilà qui
est infâme ! L’amitié de Louis pour Luynes est pure de tout soupçon !
Et qu’elle puisse être autre que pure, la pensée n’en a même pas effleuré le
petit roi ! J’en mettrais ma tête à couper !
    Tandis que je parlais en cette véhémente guise, Fogacer
m’envisagea d’un œil incisif, puis il sourit de son lent et sinueux sourire et
dit avec satisfaction :
    — J’ai donc de vous ma réponse, et franche, et sincère,
et jaillie du cœur. Vous vous sous-estimez, mon jeune ami, si vous pensez que
vous seriez capable de mentir sur un sujet qui vous touche autant que Louis.
     
    *
    * *
     
    La reine-mère ne laissait pas de partager les inquiétudes de
ses alliés. La question se posait en outre, pour elle et ses ministres, de
décider s’il fallait dès l’arrivée de l’infante pousser Louis à consommer son
mariage avec elle, ou surseoir à cet accomplissement en raison de leur jeune
âge, de leur commune inexpérience, du peu d’attirance de Louis pour le beau
sexe et de son évidente aversion pour la nation dont son épouse était issue.
    À en discuter plus outre, la surséance de l’union chamelle
parut politiquement plus périlleuse que son accomplissement, pour la raison
qu’elle faisait trop bien le jeu des adversaires déclarés des mariages
espagnols : les huguenots, les Grands, le Parlement de Paris et les
gallicans. N’allaient-ils pas chuchoter partout que ce mariage était appelé à
demeurer blanc, parce que le roi avait refusé l’épouse espagnole que la
reine-mère, en cynique violation des volontés du défunt roi, avait voulu lui
imposer ? Et d’autre part, si on poussait Louis à consommer tout de

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