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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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son mariage et qu’il échouât dans cette entreprise, on laissait certes la voie
libre aux mêmes rumeurs. Mais dans ce cas du moins le mariage blanc ne serait
qu’une hypothèse et non une désastreuse certitude.
    Ainsi de force forcée, la nuit de noces de Louis devenait
une affaire d’État… Et parce que, dans cette sorte d’affaires, la créance
compte plus que les faits, on se prononça pour la consommation immédiate du
mariage – toute brutale et indélicate qu’elle fût – bien décidé qu’on
était de donner à l’échec que l’on redoutait toutes les couleurs d’un rassurant
succès.
    On commença par donner aux rapports des deux adolescents une
couleur idyllique et personnelle. On imagina d’envoyer Luynes à Bayonne porter
à l’infante Anne une lettre du roi où il lui témoignait son
« impatience » de la voir. Le choix du messager était fort habile,
car il ne pouvait que plaire à Louis et flatter le favori, de sorte qu’il n’y
avait pas à attendre de résistance à cette entreprise, le messager en quelque
sorte faisant passer le message lequel, bien entendu, on rendit aussitôt
public, tout en précisant que cette lettre-missive avait été écrite par Louis à
neuf heures et demie du soir, dans son lit  – détail touchant, et
qu’Héroard, docilement, corrobora.
    Mais que cette lettre ne fût pas écrite par Louis de son
propre mouvement, mais recopiée de sa main sur un modèle prescrit, c’est ce
dont je me persuade en raison de certains détails que je souligne à l’intention
du lecteur en reproduisant ce billet :
     
    « Madame, ne pouvant selon mon désir me trouver
auprès de vous à votre arrivée en mon royaume pour vous mettre en possession
du pouvoir que j’ai ici, comme de mon affection à vous aimer et servir,
j’envoie vers vous Luynes, l’un de mes plus confidents serviteurs, pour en mon
nom vous saluer et vous dire que vous êtes attendue de moi avec impatience pour vous offrir moi-même l’un et l’autre (entendez le pouvoir et l’affection).
Je vous prie donc de le recevoir favorablement et croire ce qu’il vous dira de
la part. Madame, de
    « votre plus cher ami et serviteur,
    Louis. »
     
    À mon sentiment, Louis n’a pu de son propre mouvement ni
parler du « pouvoir » qu’il détenait en son royaume, alors qu’il n’en
avait aucun, ni promettre à Anne d’Autriche de le partager avec elle pour la
raison qu’il était fort jaloux de ses prérogatives royales et ne lui en
concédera jamais, sa vie durant, la moindre parcelle.
    Encore moins pouvait-il faire état de son
« impatience » à la voir, alors qu’étant inconsolé du partement de Madame, il ne pouvait établir qu’un lien funeste entre la perte de sa sœur
bien-aimée et l’arrivée d’une nouvelle venue qu’il rangeait par avance parmi
ses ennemis futurs.
    On conta aussi que dans son « impatience » à la
voir, il s’avança le samedi vingt et un novembre sur le chemin par où elle
devait arriver, fit arrêter son carrosse au droit du sien, la regarda, et lui
dit « gaiement » en se désignant du doigt : «  lo son
incognito ! lo son incognito ! » Après quoi, il cria :
« Touche, cocher, touche ! » et, la dépassant, arriva une heure
avant elle à Bordeaux.
    Je ne doute point qu’il l’ait fait, mais je doute qu’il
l’ait fait de soi et avec la joie qu’on lui prête. Car s’il était si heureux de
voir l’infante, qui l’empêchait de demeurer en sa compagnie jusqu’à
Bordeaux ? Pour l’avoir épousée par procuration, il n’en était pas moins
son mari. Et ne trouvez-vous pas, lecteur, que se contenter de dire :
«  lo son incognito  » de portière à portière et de crier
aussitôt au cocher de fouetter ses chevaux, et au lieu d’attendre et d’escorter
son épouse, de dépasser aussitôt son carrosse et de regagner Bordeaux (où il
parvint, comme on vous l’a dit, une heure avant elle), c’était véritablement
faire le minimum ?
    Parmi les contes roses dont le pouvoir berça les oreilles de
la Cour pour l’assurer de l’idylle princière, il en est un pourtant qui rend un
son plus juste. Le lendemain de l’arrivée d’Anne d’Autriche, Louis l’alla voir
tandis qu’elle s’habillait. Or, il arriva qu’elle eut besoin d’une plume
écarlate pour mêler avec une blanche et le roi aussitôt lui présenta son
chapeau en la priant de prendre ce qu’elle voulait. Après quoi il lui
dit : « Il faut

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