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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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aussi que vous me donniez un de vos nœuds. » Ce
qu’elle fit en souriant, et il le fixa à son chapeau.
    C’était là, de part et d’autre, non tout à fait une
attirance, mais à tout le moins une plaisante galantise qui, si on avait laissé
le temps à ces jouvenceaux de s’acclimater l’un à l’autre, eût pu se muer en
des sentiments plus tendres.
    Mais la reine n’avait en tête qu’une idée : convaincre
le monde entier que le mariage avait été bel et bien consommé. La pauvre Anne
d’Autriche était arrivée le vingt et un novembre. Cinq jours plus tard, on
confirma par une messe à l’église Saint-André le mariage par procuration de
Burgos. Et après la cérémonie, comme toujours interminable et épuisante, alors
que le roi, retiré fort las en ses appartements, s’était mis au lit, on vint
lui dire de la part de sa mère, qu’il devait la nuit même consommer son
mariage.
    Il se releva et soupa du bout des lèvres, blême à la fois de
vergogne et de peur. Je ne sais qui eut l’idée de lui dépêcher Monsieur de
Guise et Monsieur de Gramont, pour « l’assurer » en lui faisant des
contes gras qui, étant donné l’extrême pudibonderie qu’on lui avait inculquée
depuis la mort de son père, ne pouvaient que l’enfoncer davantage dans le
dégoût et l’appréhension.
    Sur cette nuit de noces royales, la reine-mère, innovant
avec une effronterie qui dut beaucoup scandaliser le grand chambellan, fit
rédiger et publier un compte rendu, que voici :
    « Incontinent après que le roi eut soupé, il se coucha
en sa chambre où la reine sa mère (qui jusque-là était demeurée en la chambre
de la petite reine) le vint trouver environ vers les huit heures du soir et
faisant sortir de la chambre les gardes et tout le monde, et trouvant le roi
dans son lit, lui dit ces paroles :
    — Mon fils, ce n’est pas tout que d’être marié, il faut
que vous veniez voir la reine qui vous attend.
    — Je n’attendais que votre commandement, dit le roi. Je
m’en vais, s’il vous plaît, la trouver avec vous.
    Au même temps on lui bailla sa robe de chambre et ses
bottines fourrées et ainsi s’en alla avec la reine en la chambre de la petite
reine dans laquelle entrèrent MM. de Souvré, Héroard, le marquis de
Rambouillet, maître de la garde-robe (portant l’épée du roi) et Berlinghen,
premier valet de chambre (portant le bougeoir).
    Comme la reine approcha du lit, elle dit à la petite
reine :
    — Ma fille, voici votre mari que je vous amène.
Recevez-le auprès de vous et l’aimez bien, je vous prie.
    La petite reine répondit en espagnol qu’elle n’avait autre
intention que de lui obéir et complaire à l’un et à l’autre.
    Le roi se mit dans le lit par le côté de la porte de la
chambre, la reine-mère étant dans la ruelle, et leur dit à tous deux, les
voyant couchés ensemble, quelque chose de si bas que personne d’autre qu’eux ne
put l’entendre. Puis, sortant de la ruelle, elle dit :
    — Allons ! Sortons tous d’ici !
    Et commanda aux deux nourrices, celle du roi et celle de la
reine, de demeurer seulement en ladite chambre et de les laisser ensemble une
heure et demie, ou deux heures au plus.
    Ainsi se retira ladite reine et tous ceux qui étaient avec
elle en ladite chambre pour laisser consommer ledit mariage, ce que le roi
fit et par deux fois, ainsi que lui-même l’a avoué, et lesdites nourrices
l’ont véritablement rapporté, et après, s’étant un peu endormi, et demeuré un
peu davantage à cause dudit sommeil, il se réveilla de lui-même et appela sa
nourrice pour qu’elle lui baillât ses bottines et sa robe, et qu’elle le
reconduisît à la porte de la chambre, en dehors de laquelle, dans la salle,
l’attendaient lesdits Souvré, Héroard, Berlinghen et autres pour le reconduire
dans sa chambre. Et après avoir demandé à boire et avoir bu, témoignant un
grand contentement de la perfection de son mariage, il se remit en son lit
ordinaire, et reposa fort bien tout le reste de la nuit, étant pour lors
environ onze heures et demie. La petite reine de son côté, se relevant en même
temps que le roi fut parti d’auprès d’elle, rentra dans sa petite chambre et se
remit dans son petit lit ordinaire qu’elle avait apporté d’Espagne. C’est là
véritablement ce qui se passa pour la consommation dudit mariage. »
    — Quelle grossière finesse ! me dit La Surie quand
je lui eus lu ce compte rendu. S’il avait

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