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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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secrète.
    — Laquelle, dit Madame de Lichtenberg avec un petit
sourire et me passant le dos de sa main sur la joue, est en passe, j’imagine,
mon Pierre, de devenir une de vos traditions familiales… Mais pardon,
reprit-elle, revenons à Héroard. Qu’augure-t-il du mal dont souffre votre petit
roi ?
    — Il est quasi hors de ses sens de chagrin et
d’appréhension, et résiste de toutes ses forces aux médecins de la reine-mère
qui voudraient saigner Louis aussi souvent qu’il est purgé.
    — Héroard est donc hostile à la saignée ?
    — Dieu merci, il l’est ! Sans cela, je ne
donnerais pas cher de la vie de Louis. Héroard a étudié avec mon père en
l’École de médecine de Montpellier sous Rondelet, Saporta et Salomon dit
d’Assas, grands maîtres tous trois, et fort hostiles à cette damnable
nouveauté : la saignée, importée d’Italie sous le règne de
Charles IX, lequel, d’après mon père, en mourut. Le malheureux souffrait
d’une intempérie des poumons, et plus il crachait le sang, plus on le saignait !…
    — Au nom de quelle logique ?
    — Au nom d’une métaphore : plus on tire de l’eau
croupie d’un puits, plus il en revient de bonne. De même, plus on tire à un
patient la partie pourrie du sang, plus la partie du sang qui se reforme est
saine…
    — Mais, dit Madame de Lichtenberg, comment sait-on,
quand on saigne, que c’est la partie pourrie que l’on tire, et non la
saine ?
    — Bravissimo, m’amie ! C’était là tout justement
l’opinion de l’École de médecine de Montpellier ! Mais hélas ! elle
ne prévalut pas contre celle de Leonardo Botalli et des autres médecins
italiens de la Cour.
    — Tira-t-on du sang à Louis ?
    — Oui, il y a deux jours, sur l’ordre formel de la
reine-mère. La saignée fut pratiquée par son chirurgien, Monsieur Ménard. Il
tira du roi six onces de sang, lequel, selon Héroard, était « écumeux et
vermeil ».
    — Et la reine-mère ne récidiva point ?
    — Elle n’osa pas, Héroard y étant opposé, et le roi lui
ayant précédemment renvoyé une purge qu’elle lui avait fait proposer par ses
propres médecins.
    — Dieu du ciel ! s’écria Madame de Lichtenberg. Se
méfie-t-il de sa mère à ce point ?
    — Je ne sais. Peut-être voulait-il seulement lui faire
entendre qu’il ne voulait être soigné que par Héroard.
    — Mais j’imagine que le renvoi de cette purge fit
jaser.
    — Et d’autant, m’amie, que voyant Louis gravement
malade, Marie fit une démarche qui scandalisa la Cour.
    — Laquelle ?
    — J’ose à peine vous la dire. Cela me remplit de honte
pour elle et de pitié pour son fils.
    — Est-ce si énorme ?
    — Énormissime.
    — Mais encore ?
    — Elle alla trouver le Parlement et lui demanda de lui
confirmer la régence en cas de décès de son fils.
    Tandis que, devenu barbon, je jette tant d’années plus tard
sur le papier cette conversation avec Madame de Lichtenberg, j’ai quelque doute
sur la date à laquelle elle eut lieu, car si j’y mentionne la saignée du roi
par Ménard, qui se fit le premier novembre, en revanche je ne parle pas de la
grande crise du trente et un octobre qui nous frappa tous d’épouvante, car nous
pensâmes y perdre Sa Majesté. J’en conclus que j’ai mélangé, non les étapes de
cette maladie, que j’ai notées avec le plus grand soin dans mon Livre de
raison, mais les dates de mes différents entretiens avec ma Gräfin, lesquels
sont sans conséquence pour la suite de cette histoire.
    La raison pour laquelle la grande crise du trente et un
octobre fit sur les familiers du roi une si terrible impression, c’est que,
depuis plus de dix jours, nous pensions que Louis était guéri, ou tout au moins
sur le chemin de la guérison. Dès le dix-neuf octobre, ses tranchées, son flux
de ventre, ses vertiges et ses vomissements avaient disparu. Louis avait repris
quelque gaîté et s’était remis à ses occupations et divertissements ordinaires,
y compris à la chasse et à la volerie avec ses émerillons. Une dizaine de jours
s’écoula ainsi et nous pensions que sa maladie appartenait au passé, quand le
trente octobre, vers six heures de l’après-midi, une rechute se dessina. Louis
se plaignit à nouveau de tranchées, et Héroard s’empressa de lui faire prendre
un clystère dont il me dit qu’il serait « réfrigératif et détersif ».
J’eus quelques doutes sur le mot « détersif » et en ayant

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