L'Enfant-Roi
d’Ancre.
— Cela sera fait, Sire, dit Vitry, simplement.
Louis me parut fort content d’avoir trouvé un homme d’aussi
peu de mots que lui-même, et d’autant que Vitry, après s’être réfléchi un court
instant, passa tout de gob aux détails de l’exécution.
— J’aimerais, Sire, m’adjoindre trois hommes
sûrs : mon frère Du Hallier, mon beau-frère Persan, et Roquerolles, et
vous les amener pour que vous réitériez devant eux le commandement que Votre
Majesté vient de me donner.
— Faisons ainsi, dit le roi.
Quand Vitry revint le lendemain soir avec les trois
gentilshommes qu’il avait nommés, le roi répéta son ordre d’arrêter le
maréchal.
— Sire, dit Vitry, Du Hallier m’a amené quelques
hommes. Persan, Roquerolles et moi, nous en aurons aussi quelques-uns. En tout,
cela ne fera pas plus de vingt personnes. Or, Conchine se fait partout suivre
d’une centaine de personnes. Il aura donc l’avantage du nombre, et quand je le
voudrai arrêter, il voudra se défendre. Que veut Sa Majesté que je fasse ?
Louis envisagea Vitry œil à œil, mais sans mot piper. Et
Déagéant dit d’une voix haute et claire :
— Le roi entend qu’on le tue.
Vitry regarda Déagéant, puis regarda le roi, lequel continua
à se taire, n’apportant ni contradiction ni confirmation à ce que Déagéant
venait de dire. Bien que Vitry eût des manières de soudard, il avait l’esprit
fin. Il entendit que le silence de Louis n’était que réserve et qu’il était
d’accord sans le vouloir articuler.
Pour moi, je vouai à cet instant à Louis une admiration sans
limites. Il n’avait pas encore seize ans, et en eût-il eu le double qu’il n’eût
pu agir avec plus d’habileté politique ni un plus grand souci de sa dignité.
— Sire, dit Vitry, j’exécuterai vos commandements.
Étant homme prompt, pratique et expéditif, Vitry voulut
savoir sans tant languir le jour et le lieu. Les six du Conseil secret du roi
s’aperçurent alors que les silences de Louis pendant tant de mois avaient caché
un long labeur de réflexion et un plan bien mûri, auquel nous n’eûmes rien à
modifier que des détails.
L’arrestation – on employait toujours cet
euphémisme – aurait lieu le dimanche vingt-trois avril, au Louvre. Plus
précisément, dans le cabinet aux armes du roi, au deuxième étage – là où
tant de fois je m’étais entretenu sotto voce avec lui, alors qu’il
démontait et remontait une de ses belles arquebuses. Conchine y serait invité
par un messager de Sa Majesté afin d’y aller voir les petits canons dont Louis
usait pour bombarder les forts de terre qu’il élevait aux Tuileries –
occupation que Louis savait fort bien être très au-dessous de son âge, mais à
laquelle il affectait de se livrer depuis le retour à Paris de Conchine,
n’ignorant pas combien ces enfantillages paraîtraient puérils à sa mère et au
favori et par conséquent, pour eux, tout à plein rassurants.
C’est dans ce cabinet aux armes que Vitry et ses compagnons
arrêteraient Conchine.
Ni l’échec ni le succès ne devaient prendre Louis sans vert.
Il avait tout prévu. Si l’arrestation ne se faisait pas, il passerait avec ses
fidèles par la grande galerie du Louvre, gagnerait les Tuileries, où des
chevaux sellés l’attendraient. De là, il gagnerait Meaux, ville dont Vitry
était le gouverneur. Une fois à l’abri de ses murs, il manderait ses armées et
poursuivrait sans trêve ni relâche le maréchal partout où il se pourrait remparer
en France.
En cas de succès, il notifierait à la reine-mère de trouver
bon qu’il ressaisit le gouvernement de son État et pour avoir le temps de
prendre une plus ferme assiette en ses affaires, il prierait Marie de Médicis
de sortir de Paris – quitte à la rappeler ensuite. L’intention de Louis
ici était tout à fait claire. En même temps qu’elle m’enchanta par sa
clairvoyance. Il entendait parfaitement bien qu’il ne pourrait jamais régner si
sa mère demeurait dedans le Louvre. La mort de l’usurpateur devait donc de
force forcée être accompagnée par la mort politique de la mauvaise mère. À mon
sentiment, il n’était même pas certain qu’il eût alors envie de la rappeler un
jour.
CHAPITRE XVI
Quatre jours avant la date prévue pour l’exécution, un
événement tout à fait imprévu surgit : le beau-frère de Richelieu,
Monsieur Pont de Courlay, vint trouver Monsieur de Luynes et lui dit
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