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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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remochine.
    — Quel jargon est-ce là ? dit Madame de Guise en
ouvrant tout grands ses yeux pervenche.
    Et comme Perrette, de peur d’être plus avant houspillée, se
tenait coite, je répondis à sa place :
    — Remochiner, Madame, veut dire « bouder » en
périgourdin.
    — À Dieu plaise, s’exclama Madame de Guise en levant
les yeux au ciel (mimique dont elle usait souvent, pour ce qu’elle avait pour
effet de mettre en valeur la beauté de ses prunelles), à Dieu plaise que la
conscience remochine à mes fils ! En particulier à Charles ! Mon beau
filleul, dites-moi, avez-vous vu le duc de Guise parmi les pairs au
couronnement de Louis ?
    — Non, Madame, et je m’en suis fort étonné, l’ayant
rencontré la veille céans.
    — Eh bien, je vais vous dire le pourquoi de son
absence ! Le jour de votre visite, Charles a tâché toute la journée de
persuader le duc de Nevers de lui céder le pas pendant les cérémonies du sacre
et le duc, bien légitimement, s’y est refusé, étant gouverneur de Reims et s’y
sentant chez lui. Sur quoi, voilà ce fol de Charles qui décide, malgré mes
prières, de bouder de bout en bout le sacre, ne craignant pas de faire cette
offense au roi, à la régente, au cardinal de Joyeuse et à ses pairs !
    — Madame ma Mère, dit la princesse de Conti qui
craignait peut-être, après l’archevêque et le duc, de recevoir à son tour son
paquet, permettez-moi de prendre congé et de vous emprunter Perrette. Il se
fait tard et je voudrais faire quelque toilette.
    — Allez, mon enfant ! dit Madame de Guise, encore
que ce soit bien inutile de vous parer, le privilège de votre âge étant de
n’être jamais si belle qu’à votre lever. Mais auparavant, faites-moi un petit
plaisir : allez bailler le bonjour à votre pauvre prince.
    Sans faire aucune promesse, la princesse se leva en sa robe
de nuit (laquelle était fort lâche, fort décolletée et quasi transparente) et
ne nous ôta pas incontinent la lumière de sa beauté, car sous le couvert de
s’étirer et de ramener ses longs cheveux noirs sur le sommet de sa tête, elle
nous laissa admirer à loisir son corps magnifique, long, mince et toutefois
bien rondi, accompagnant ces étirements de petites mines assassines et
toutefois très affectionnées, car malgré sa coquetterie, son caractère altier
et les traits acérés dont elle accablait ses proches, elle ne laissait pas de
les aimer.
    — M’avez-vous ouïe, Louise-Marguerite ? dit la
duchesse ; je vous le commande ! Allez de ce pas voir le
prince : vous lui devez bien cette courtoisie, il a une fois de plus dormi
seul.
    — Madame, dit-elle, je n’en peux mais ! Le prince
ronfle comme fol ! Et qui pis est, son bruit de forge vient par à-coups,
comme un hoquet, si bien que je serais tentée de dire que même en ronflant, il
bégaye.
    — Oh ! Que ceci est méchant ! s’écria Madame
de Guise. Allez ! Si vous n’étiez pas ma fille, je vous haïrais !
    Mais en même temps qu’elle prononçait cette condamnation
conditionnelle, elle lui sourit, mi-amusée mi-fâchée, et la suivit d’un regard
attendri tandis que, d’un pas nonchalant, la princesse quittait la place, le
menton haut et les épaules droites.
    — Comme on est cruel quand on n’aime point ! dit
Madame de Guise avec un soupir. Ce pauvre prince ! Il est vrai qu’il est
si vieux, si laid, si mal allant ! Il ne peut pas aligner trois mots de
suite ! Et qui pis est, il est sourd ! Comment lui parler, puisqu’il
est sourd ? Et comment vous répondrait-il, puisqu’il est bègue ? Sans
compter ses autres faiblesses… Vous vous en doutez, tout ce qu’il peut faire
avec la princesse, c’est la manger des yeux et même ce plaisir-là, elle ne le
lui baille pas souvent. Mais le diable emporte mes jérémiades ! Or
sus ! Venons-en à notre affaire ! J’ai assez de mes fils pour ne pas
me faire un souci à mes ongles ronger à propos de mon gendre.
    Ayant dit, elle m’envisagea en silence avec une gravité qui,
je ne sais comment, ne réussit qu’à lui donner un air merveilleusement
enfantin.
    — Mon beau filleul, dit-elle, je suis ravie qu’on nous
ait laissés nous entretenir au bec à bec sans que j’eusse à le demander, car
cette seule demande était déjà une indiscrétion. Or, ce que j’ai à vous dire,
et qui est de la plus grande conséquence pour vous et ceux qui vous aiment
(ici, elle me sourit), doit rester archisecret sous peine de tout

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