Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
perdre. Vous ne
devez vous en ouvrir qu’à votre père seul, car c’est de lui que dépend, en
définitive, le succès d’une entreprise si propre à votre avancement.
    Je frémis à ouïr ce mot-là, car le dernier
« avancement » que ma bonne marraine avait envisagé pour ma personne
remontait à ma douzième année. Elle voulait alors faire de moi un des pages du
roi : proposition qui, si elle avait été acceptée par mon père – mais
il en hurla de rage ! – m’aurait contraint d’abandonner mes études
pour me mettre – je cite les propos paternels – à « l’école de
la fainéantise et du vice ». Toutefois, comme je devais, de prime, parler
à mon père du présent projet, il me sembla, à y réfléchir plus outre, que s’il
était malencontreux, je ne courais que peu de risques, car mon père tuerait incontinent
dans l’œuf ce serpent malvenu.
    — Vous avez l’air songeur, mon filleul…
    — C’est que la curiosité me dévore, Madame.
    — Vous allez être satisfait. Connaissez-vous le marquis
de Saint-Régis ?
    — Point du tout.
    — C’est un des quatre premiers gentilshommes de la
Chambre dans la maison du roi.
    — Eh bien ! Voilà qui fait de lui, je gage, un
gentilhomme bien garni en pécunes.
    — En effet, mais le marquis de Saint-Régis a passé
cinquante ans et, en ayant assez de la Cour et des puanteurs de Paris, il veut vendre
sa charge pour se retirer à Joinville en sa maison des champs, laquelle il
voudrait restaurer grâce aux clicailles qu’il retirera de cette vente. Il m’a
confié ce projet sous le sceau du secret.
    — Et pourquoi le secret ?
    — Le marquis de Saint-Régis est apparenté aux Guise et
voudrait, s’il se peut, vendre sa charge à mon dernier-né, le chevalier de
Guise, lequel n’a pas un seul sol vaillant.
    — Eh bien, Madame, que ne l’achetez-vous pour
lui ?
    — Vous vous gaussez, je crois, mon beau filleul !
Le marquis de Saint-Régis vend sa charge cent mille livres. Où trouverais-je
pareille somme ? J’ai quatre cent mille livres de dettes et je ne tiens
mon rang que grâce aux libéralités de la reine. Encore me sont-elles comptées.
Toutefois, je n’ai eu garde de rebuter Saint-Régis incontinent. D’autant plus
qu’en sa fidélité, il voulait à tout prix que sa charge restât dans la maison
de Guise. Et j’ai pensé à vous.
    — À moi, Madame ! dis-je, béant.
    — À vous, dit-elle, en souriant. N’avez-vous aucun lien
avec moi ?
    — Mais que si ! Et il m’est cher ! Mais cent
mille livres ! Où les prendrais-je ?
    — Votre père vous les baillera.
    — Mon père ! Mais, vous le savez comme moi, nous
vivons au logis heureux, mais chichement.
    — C’est comme cela que l’on devient riche et pécunieux,
mon filleul. En gagnant prou et en dépensant peu.
    — Mon père, riche et pécunieux ? Je n’en crois pas
mes oreilles !
    — Mais il l’est ! Bien qu’il n’apparaisse pas,
étant noble, en ses bargouins et use de prête-noms, votre père, mon beau
filleul, a mille et une façons de changer un sol en écu.
    — Et il dépenserait cent mille livres pour m’établir en
cette charge ?
    — Il vous aime assez pour ce faire, s’il jugeait que
cette position ne vous est pas disconvenable.
    — Mais elle ne l’est pas ! criai-je.
    Et derechef je lui baisai les mains. Mais saisissant ma tête
entre les siennes, elle la serra avec force contre son cou en murmurant :
« Ah, mon fils ! Mon fils ! » Elle ne m’avait jamais appelé
ainsi, même en tête à tête. Mais pour une fois elle ne se pouvait plus contenir.
Et se sentant au sommet de son bonheur terrestre, elle en pleurait.
    J’étais moi-même fort transporté par les marques qu’elle me
donnait de sa grande amour et plus encore peut-être de sa préférence pour moi
qu’elle avait toujours placé bien au-dessus de ses fils légitimes. Toutefois,
je n’étais pas heureux pour les mêmes raisons qu’elle et me gardais bien de lui
en souffler mot. Madame de Guise me voyait établi à la Cour, paré d’un titre
honorable, jouissant ma vie durant d’une pension élevée et – rarissime
honneur – d’un appartement au Louvre. Je n’étais ni aveugle, ni insensible
aux avantages de cette position, mais pour moi, il valait surtout dans la
mesure où il me permettrait d’approcher Louis et de le servir, comme je l’avais
toujours désiré, et plus encore depuis la mort de son père.
    — Mon

Weitere Kostenlose Bücher