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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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est à vous, sans aucun intérêt.
Vous me la rendrez à votre convenance.
    — Mais quelle perte pour toi, Miroul ! dit mon
père, fort touché de cette offre. Car tu comptais, sans doute, confier ces
vingt-cinq mille livres à ton juif pour qu’il les plaçât au denier cinq.
    — Mais de toute manière, à moi il ne m’aurait donné que
le denier dix [15] , dit La Surie, vu que tous les
risques sont pour lui.
    — Miroul, dit mon père, il me semblerait équitable que
je te donne moi-même un intérêt.
    — Fi donc ! dit La Surie noblement, allons-nous
jouer les usuriers entre gentilshommes ? Et ne peux-je apporter ma
quote-part à l’avancement de Pierre-Emmanuel ? Allons, c’est résolu !
    — La grand merci à toi, Miroul ! dis-je, et lui
jetant un bras sur l’épaule, je le serrai à moi.
    Je remerciai aussi mon père, me promettant de lui dire plus
avant toute ma reconnaissance quand nous serions seuls. Et tout soudain, alors
que nous étions là debout devant le feu, il y eut entre nous trois une sorte de
vergogne, mais toutefois plaisante et silencieuse, comme si ce que nous aurions
eu à prononcer passait le pouvoir des mots. La Surie rompit le premier les
chiens pour aller tisonner les bûches qui n’en avaient nul besoin et mon père
s’assit sur sa chaire coutumière, étendant ses jambes vers le feu.
    — Mais, dis-je, ne sommes-nous pas en train de vendre
la peau de l’ours ?
    — Nenni ! dit mon père, votre bonne marraine a
cent fois raison. Voyez-vous la régente dire « non » ? Elle
craint trop les Guise pour leur faire cette braverie ! Et pour peu que
Saint-Régis demeure ferme en ses propositions, la charge est à vous, mon fils,
et sans passer par la marquise ni nous piquer à ses épingles…
    Là-dessus, on rit et La Surie prit congé de nous, soit qu’il
eût véritablement quelque chose à faire, soit qu’il voulût nous laisser seuls,
mon père et moi, pressentant que ces épingles-là allaient nous amener à parler
de la comtesse de Lichtenberg. Je fus étonné de ce départ, car d’ordinaire il
n’en usait pas ainsi, sachant bien qu’il n’y avait point de secret pour lui en
ce logis.
    — Mon fils, dit mon père après m’avoir prié de
m’asseoir, ne m’avez-vous pas dit que dans l’affaire du retour en France de
Madame de Lichtenberg, Bassompierre ne désirait pas trop paraître, faisant
intervenir de prime Concini auprès de la reine et vous poussant à traiter
vous-même avec la marquise ?
    — Si fait, Monsieur mon père.
    — Et savez-vous pourquoi il désire ainsi demeurer dans
l’ombre ?
    — Il craint sans doute qu’on puisse lui reprocher un
jour, Madame de Lichtenberg étant protestante, d’avoir introduit en France une
hérétique…
    — Et ne pensez-vous pas qu’à la suite de votre démarche
auprès de la marquise on ne puisse vous adresser un jour le même
reproche ?
    — Cela se pourrait, en effet.
    — Toutefois, vous êtes prêt à en prendre le risque, qui
n’est pas mince, tant Madame de Lichtenberg vous tient à cœur.
    — C’est bien cela.
    — Cependant, reprit-il, si votre démarche auprès de la
marquise déplaît à la régente, ne pourrait-elle pas vous refuser ensuite
d’acheter la charge du marquis de Saint-Régis ?
    — Cela se peut, en effet, dis-je d’une voix étouffée,
car à cet instant mon cœur se glaça : je craignis le pire.
    — Dans ce cas, ne seriez-vous pas bien avisé d’acheter d’abord la charge et de négocier ensuite avec la marquise le retour de notre
amie ?
    — Si c’est là ce que vous me conseillez. Monsieur mon
père, je suivrai votre conseil, dis-je, infiniment soulagé, car j’avais redouté
d’ouïr de ses lèvres un tout autre conseil.
    Mon père fit un signe de tête comme pour me remercier de mon
acquiescement et se mit, sans mot dire, les yeux fixés sur le feu, à tapoter
les bras de sa chaire. Je crus d’abord qu’il désirait être seul, mais comme son
silence durait, j’entendis bien qu’il avait encore une autre remarque à
m’adresser, et qu’il hésitait, lui d’ordinaire si décidé, quant à la façon de
la tourner.
    — Monsieur mon fils, dit-il enfin, avec une gravité qui
ne lui était pas habituelle, car il était accoutumé d’introduire quelque pointe
de badinage en ses propos les plus sérieux, je trouve infiniment touchants vos
sentiments pour la Gräfin de Lichtenberg. Il est vrai qu’elle a le
double de votre âge mais quant

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