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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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glissa à
l’oreille :
    — Ne vous désolez pas ! Le pauvret était hors de
lui et se donnait grand-peine pour le cacher. Tâchez d’entendre ce qu’il en
est. Les jours sont si courts en novembre et il aime tant le mouvement, le
grand air, les bois ! Il avait fait le projet de chasser. Au lieu de cela,
il va passer le plus clair de la journée dans l’obscurité d’une église.
    — Cinq heures ! dis-je à voix basse, cinq heures
d’interminables offices ! Mais qui donc décide de l’abêtir ainsi ?
    — Ne posez pas, de grâce, ce genre de question !
répliqua Héroard. Si vous voulez durer céans, mettez donc un bœuf sur votre
langue et pendant que vous y êtes, faites taire aussi vos regards : ils
parlent trop ! Et de grâce, avec moi aussi prenez quelque distance !
Qu’on ne soupçonne même pas entre nous l’ombre d’une amitié : sans cela
votre chute entraînerait la mienne, et la mienne, la vôtre.
    — Monsieur, dis-je, béant de me voir gourmandé par un
homme que j’aimais fort, ne pouvez-vous à tout le moins me dire de qui je dois
le plus me méfier dans son entourage ?
    — Même cela, c’est trop demander ! dit Héroard
assez rudement. Ouvrez les yeux !
    Et sur un salut cérémonieux et sans me donner la moindre
brassée, Héroard s’en alla.
    Je gagnai dans le Louvre mon petit appartement qui me parut
dans sa nudité aussi délaissé que moi-même. Je m’assis sur mon lit, ma tête
dans les mains et je dois confesser que l’accueil glacial de Louis se
conjuguant avec l’algarade d’Héroard, je me sentis si mortifié que je me
laissai aller à verser des larmes.
    Mais revivant en mon esprit la pénible scène à laquelle je
venais d’assister dans les appartements royaux, je m’avisai que Louis, en dépit
de sa désolation, avait réussi à ne pas pleurer. Ressentant alors quelque
vergogne à montrer moins de fortitude qu’un garcelet qui n’avait pas dix ans,
j’essuyai mes yeux et décidai de poser désormais sur mon visage le masque imperscrutable
d’un vieux diplomate.
    Le mot « imperscrutable » me plut. Je lui trouvais
du poids. Je le prononçai plusieurs fois à voix haute pour fortifier ma
volonté. Et me regardant avec le plus grand sérieux en mon miroir de Venise
(mon seul meuble pour le présent avec mon lit), je tâchai de donner par avance
à ma physionomie une expression qui ne fût pas disconvenable au mot que je me
répétais.
    Les petites mines qu’en mon désir de perfection j’essayais
tour à tour devant mon reflet finirent par me divertir de mon chagrin. Je
retrouvai mon allant, mes esprits et aussi mon appétit. Je décidai de gagner le
logis familial pour y prendre ma repue de midi. Et traversant d’un pas ferme le
dédale du Louvre, j’eus le sentiment que j’étonnais les couloirs et les escaliers
par ma neuve impassibilité. Jour de ma vie ! Comme j’étais jeune
alors !

 
CHAPITRE IV
    — Mon beau filleul, dit Madame de Guise quand enfin
elle prit le temps de me visiter dans mon appartement du Louvre, vous ne pouvez
vivre plus longtemps dans le dénuement. On vous appellerait grippe-sou,
pleure-pain, chiche-face, que sais-je encore ! Et à la Cour la ladrerie
vous tue un gentilhomme plus sûrement qu’un coup d’épée. Il vous faut à tout le
moins dans le cabinet où vous recevez rideaux aux fenêtres, tapisseries des
Flandres aux murs, tapis de Turquie au sol, deux ou trois jolis coffres et une
demi-douzaine de chaires à bras. Je vais dire à Réchignevoisin de racler mes
greniers et de vous installer tout cela sous huit jours. Nenni !
Nenni ! Ne me remerciez pas ! Ce sont là mes rebuts ! Mais ils
sont encore fort convenables, vu que je change tous les deux ans la décoration
de mon hôtel de Grenelle. Et veillez sans tant languir à vous constituer un
domestique digne de votre rang. M’oyez-vous ?
    — Je suis tout ouïe, Madame, et comme à l’ordinaire
tout regard, ne serait-ce que pour admirer le bleu pervenche de vos yeux. Mon
père me suggère d’employer Louison pour mon ménage et ma cuisine.
    — Et vos siestes… Or sus ! mon beau filleul, ne
rougissez pas ! Et ne soyez pas non plus chattemite ! Passe pour
votre Louison. Il vous faudra aussi un écuyer.
    — Un écuyer, Madame ? dis-je en levant les
sourcils.
    — Ne vous en faut-il pas un pour seller votre cheval et
vous accompagner quand vous dînerez chez le marquis de Siorac ou chez
moi ?
    — Cet écuyer aura fort peu à

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