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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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savez pas encore ce que c’est qu’une femme
amoureuse. Pour rejoindre son amant, elle passerait fer et feu ! »
    La Dieu merci, la Gräfin n’eut pas à passer fer et
feu, mais deux frontières, l’une côté Palatinat et l’autre côté France par la
magie de stupides parchemins qui pour la première lui avaient coûté tant de
démarches et pour la seconde, tant de pécunes. Mais cela ne se fit qu’au début
novembre, alors que de nouveau l’hiver et le froid s’étaient installés à Paris avec
leur amie la mort, à laquelle les plus pauvres payaient toujours le plus lourd
tribut.
    Le neuf novembre, comme je prenais ma repue de onze heures
en mon logis du Champ Fleuri avec le seul La Surie (mon père visitant sa
seigneurie du Chêne Rogneux à Montfort-l’Amaury), advint un vas-y-dire qui me
remit un petit billet des plus laconiques et des plus bouleversants.
     
    « Mon ami,
     
    « Je serais des plus heureuses si vous me pouviez
visiter ce jour rue des Bourbons sur le coup des trois heures de l’après-midi.
    « Votre servante,
    Ulrike. »
     
    J’eusse pâmé si, à me voir perdre mes couleurs, La Surie ne
m’avait fait boire une lampée de vin qui me remit la cervelle à peu près
droite. Je fus pourtant un moment avant que de retrouver tout à fait mes sens.
La Surie me parlait, je ne l’oyais pas. Et le petit vas-y-dire me ramentevant
que je devais lui bailler une réponse, je fus un moment avant de lui pouvoir
parler. À la parfin, cette folie s’apaisa, mais point tout à fait car je dis,
ou plutôt je criai au vas-y-dire : « C’est oui ! C’est un
million de oui ! » Et lui donnant une forte brassée, tout barbouillé
et peu ragoûtant qu’il fût, je lui baillai un écu pour sa course de retour. Ce
qui fit gronder La Surie, dès que le galapian eut tourné les talons. Je n’en
eus cure et je l’embrassai aussi, le serrant comme fol contre moi. Puis le
quittant, je courus à ma chambre et me jetai sur mon lit.
    Les minutes me parurent siècles, qui me séparèrent de ces
trois heures de l’après-midi. J’envisageai ma montre-horloge comme si mon regard
farouche avait eu le pouvoir de faire avancer les aiguilles et, par magique
conséquence, le temps. Cette montre-horloge était un récent et fastueux présent
de Madame de Guise dans lequel mon père trouvait qu’il y avait « un peu
trop de luxe » parce que le boîtier à l’extérieur était enrichi de
pierreries. Mais je l’aimais pour l’amour de la donatrice et aussi pour la
raison que le même boîtier, quand on l’ouvrait, découvrait à l’intérieur la
peinture d’une scène bucolique où le berger Céladon étreignait la belle Astrée
dont il avait été si longtemps et si cruellement séparé par les ruses des
méchants. Toutefois, influencé quoi que j’en eusse par l’huguenoterie de mon
père, je ne portais pas cette montre-horloge en sautoir comme la mode en était
alors, mais dans l’emmanchure de mon pourpoint. À la parfin, quand je crus le
moment venu, je me levai d’un bond, je fis toilette, revêtis ma plus belle
vêture et criant par ma fenêtre qui donnait sur la cour qu’on eût à seller mon
cheval et qu’on secouât La Barge, le pendard étant sans doute engagé à conter
fleurette à nos chambrières, je me plantai devant mon miroir et me coiffai avec
soin. Je me souvins alors que la première fois que j’avais visité Madame de
Lichtenberg, j’avais interrompu ma sieste pour demander à Toinon de me friser
le cheveu. Ce qu’elle fit par jaleuseté, très à contrecœur, me lardant d’amers
et piquants propos.
    Par malheur, j’avais calculé bien trop large le temps qu’il
me fallait et je parvins rue des Bourbons devant l’hôtel de la Gräfin un
quart d’heure avant trois heures. J’en fus désolé comme d’un mauvais présage et
me souvenant combien les maîtresses de maison détestaient qu’on arrivât avant
l’heure qu’elles avaient prescrite, je tournai bride, m’engageai dans la rue
Saint-André-des-Arts et de là passai le Pont Saint-Michel en flânant, démontant
même pour admirer un collier d’or à la devanture d’un orfèvre puis, me
remettant en selle, passai devant la Sainte-Chapelle et m’attardant quelque peu
dans le jardin du roi, je fis signe à La Barge de se mettre au botte à botte
avec moi et entrepris, à ma manière, de le catéchiser.
    — La Barge, dis-je, chez cette haute dame que nous
visitons, il faudra que tu mettes un bœuf sur

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