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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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défaillant !
    — Madame, dit Noémie avec quelque indignation, mon
tétin n’est pas défaillant.
    — Taisez-vous, sotte caillette ! Et comment se
nomme, Monsieur, ce gentilhomme que votre père est allé soigner à domicile,
monté sur une mule comme les médecins ses pairs ?
    — Madame, il n’était pas monté sur une mule, mais sur
sa belle jument baie et suivi d’un soldat et d’un page.
    — Peu importe la jument ! Répondez-moi ! Comment
se nomme ce gentilhomme ?
    J’hésitai. Je ne voulais ni inventer un nom, ni prêter à une
personne connue un mal imaginaire.
    — Mon père n’a pas pris le temps de me le préciser,
dis-je à la fin. Il était fort pressé.
    Mais ma marraine sentit ma réticence et aussitôt pointant
ses piques vers moi, elle me tomba sus.
    — Et vous, Monsieur, pouvez-vous me dire comment on
vous nomme ? Êtes-vous bien le chevalier de Siorac, premier gentilhomme de
la Chambre ? Ou un ouvrier mécanique occupé à tâche vile, le cheveu
hirsute et les mains graisseuses ?
    — Sa Majesté, dis-je, curant elle-même ses arquebuses,
je ne crois pas avoir tort en l’imitant.
    — Eh si ! Monsieur ! Vous avez tort !
rétorqua la duchesse d’un air hautain. Et d’abord de me parler sur ce
ton ! Et ensuite d’imiter Louis dans ce qu’il a de pire, s’abaissant à
faire le maçon, le jardinier, l’armurier et autres viles occupations mécaniques
qui ne sont, pour le roi de France, que des turlupinades !
    Je connaissais la chanson. On la chantait sur tous les tons
chez la régente, aux fins de la rehausser en rabaissant le roi. Mais trouvant
le moment mal choisi pour y contredire, je résolus de rompre les chiens.
    — Madame, dis-je, j’ai honte en effet de vous recevoir
en l’appareil où me voilà. Me permettez-vous de quérir de vous mon congé et de
ne réapparaître à vos yeux qu’après avoir fait toilette ?
    — Allez, Monsieur, allez ! dit-elle très à la
fureur. J’ai horreur de vous voir comme vous voilà fait !
    Je m’inclinai, sortis à la hâte et courus mander à Franz
d’aller se poster devant notre porte piétonne pour dire à mon père, dès son
retour, d’avoir à inventer ad usum Ducissae [31] le nom
du gentilhomme qu’il était allé visiter.
    La Dieu merci, rien ne faillit de ce plan-là. Madame de
Guise, sa jaleuseté fort éveillée par l’ennemi imaginaire du dehors, ne
soupçonna pas l’existence de la rivale du dedans. Et je n’avais pas laissé non
plus ses âcres soupçons s’égarer du côté de mon innocente Gräfin à qui, étant
si proche de la régente, elle eût pu faire tant de mal.
    Quant au gentilhomme égrotant, mon père eut à peine à
mentir, car la veille il était allé voir et le devait revoir ce jour, à L’Auberge
de l’Écu Troué, le baron de Salignac (ami et commensal en Périgord de mon
grand-père le baron de Mespech), lequel souffrait d’un dérèglement des boyaux.
    — Et comment va, osai-je lui demander devant Madame de
Guise, l’honnête gentilhomme ?
    — Ce n’est rien, dit mon père d’un air de n’y point
toucher : Pour peu qu’on ne le saigne pas et qu’on ne lui baille pas
médecine, il se rétablira de soi. Dans trois jours il sera sur pied.
     
    *
    * *
     
    Le gouverneur de Louis, Monsieur de Souvré, était un grand,
gros homme point tout à fait aussi vaniteux et pompeux que le grand chambellan
mais tout du même fort épais tant par le corps que par l’esprit, sans
méchanceté, mais sans finesse, vantard, imbu de lui-même, tatillon, borné,
protocolaire, et passablement enfantin sans rien entendre à l’enfant dont il
avait la charge, quoiqu’il l’aimât. Il est vrai que Louis n’était point un
garcelet facile, étant vif, coléreux, opiniâtre et dans les occasions,
impertinent. Mais il avait le cœur si tendre et l’âme si prompte à
s’affectionner que si Monsieur de Souvré l’avait attaqué par ce biais-là avec
assez d’adresse pour lui expliquer ses commandements au lieu de les lui
imposer, il n’aurait eu qu’assez peu souvent maille à partir avec lui.
    Je me souviens que du vivant du feu roi, alors que j’allais
sur l’ordre de son père visiter Louis, je le trouvai un jour occupé à faire
rouler des billes le long de la cannelure de son bougeoir en faisant semblant
de croire que ces billes étaient des soldats. Sur quoi, Monsieur de Souvré
s’impatienta de ce divertissement et lui dit :
    — Monsieur (Louis n’était encore que

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