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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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les deux matelas sont rangés dans le cabinet.
    — Comment s’appelle votre page ?
    — La Barge.
    — Et votre chambrière ?
    — Louison.
    — Votre première chambrière, si bien je m’en ramentois,
s’appelait Toinon. Et si j’ai bonne mémoire, elle avait été élevée dans le
sérail des « nièces » de Bassompierre ? Louison est-elle un pain
de ce fournil-là ?
    — Nenni.
    — Êtes-vous toujours accoutumé à faire la sieste après
la repue du midi ?
    — Oui, Madame.
    Il y eut un long silence comme si la Gräfin avait
peine à prononcer la question qui, depuis le début de cet entretien, lui
brûlait les lèvres :
    — Monsieur, dit-elle enfin d’un ton glacé, Louison ne
fait-elle que votre lit ou le défait-elle aussi avec vous ?
    — Elle le défait aussi avec moi.
    — Mon ami, reprit Madame de Lichtenberg après un
nouveau silence, vous avez laissé paraître à mon endroit des sentiments si
obligeants avant mon départ pour Heidelberg et vous me les avez laissé entendre
tant de fois dans vos lettres – l’admirable régularité de votre courrier
m’assurant de la sincérité de vos protestations – que j’aimerais, si vous
m’y autorisiez, vous bailler un avis, un seul, mais des plus pressants.
    — Madame, je suis avide de l’ouïr.
    — Je pense, Monsieur, qu’il serait convenable, eu égard
à ce que sont nos relations et à ce qu’elles pourraient devenir, que vous
renvoyiez cette chambrière au logis de votre père et que vous engagiez un valet
pour la remplacer.
    — Ce sera fait demain.
    — Dès demain ?
    — Dès demain, Madame.
    Madame de Lichtenberg accota dos et tête contre le dossier
de sa chaire à bras, poussa un soupir et eut l’air si épuisé que je craignis
qu’elle ne pâmât. Comme avait fait La Surie pour moi le matin même, je pris
alors la coupe de vin qu’elle avait préparée pour moi et je la lui tendis. Elle
la but d’un trait et un peu de couleur revint à ses joues.
    — Mon ami, dit-elle au bout d’un moment, je n’aurai
jamais assez de mots pour vous remercier de votre patience, de votre
courtoisie, de votre franchise. Cet entretien cœur à cœur a levé d’un coup tous
les doutes que j’avais pu nourrir durant ma longue absence. Il me paraît à
moi-même presque cruel maintenant d’interrompre ce bec à bec, alors même qu’il
m’a tant apporté. Mais Monsieur, pardonnez-moi, je suis fort lasse et je me
sens mal remise de mon long voyage.
    Elle se leva en disant cela et comme elle chancelait, j’osai
la prendre dans mes bras. Elle s’y abandonna et renversant sa tête charmante en
arrière, elle me tendit ses lèvres. Et encore que son vertugadin m’empêchât de
la serrer contre moi autant que je l’eusse voulu, jamais baiser ne fut plus
ardemment donné, ni mieux rendu.
    Je sentais bien toutefois qu’étant donné le grand émeuvement
dont elle était travaillée et qui apparaissait dans ses grands yeux noirs
brillants de larmes, je serais bien mal avisé de presser les choses et qu’il y
faudrait ménager des degrés et des étapes pour ne point brusquer sa tendresse.
Et en effet, au bout d’un moment, elle se reprit, s’écartant de moi quelque
peu, mais me tenant encore les deux mains comme si elle était bien résolue à me
voir jeter l’ancre à son côté et contre son flanc, afin que nous fussions à jamais
comme deux vaisseaux mouillés bord à bord.
    — Aimez-moi toujours, dit-elle d’un ton qui était tout
ensemble impérieux et suppliant.
    Elle me lâcha alors les mains et ce fut seulement pour
passer son bras sous le mien et prendre possession de mon poignet sur lequel,
comme un timonier sur sa barre, elle exerça des petits mouvements continuels
pour me diriger. Je connaissais bien le chemin quelle me faisait suivre pour
l’avoir pris cent fois avec elle avant notre séparation. Elle conduisait nos
pas vers le grand salon où, comme autrefois, elle allait me laisser aux bons
offices de son maggiordomo.
    —  Devons-nous déjà nous quitter ? dis-je
dans un soupir.
    — Jusqu’à demain trois heures, dit-elle à voix basse.
D’ailleurs, je ne vous quitte pas. J’ai besoin d’être seule pendant une nuit et
un jour, pour me livrer à mes fièvres et à mes songes. De grâce,
laissez-les-moi.

 
CHAPITRE VI
    Devant souper avec mon père le soir qui suivit mon entretien
avec la Gräfin, je décidai de coucher aussi au logis pour non point retourner
au Louvre à la nuitée, les

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