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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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faite au moule, l’œil bleu,
la joue rose, le nez retroussé, elle m’émut sans que j’y pusse rien et je lui
parlai avec tant de tendresse qu’elle fut un moment avant d’entendre mon
propos. Mais la compréhension lui en venant enfin, pâle, béante, interdite,
elle m’envisagea un long moment sans mot piper et l’œil quasi hors de l’orbite,
comme si je l’eusse condamnée à la corde. Puis reprenant à la parfin vent et
haleine, elle me dit d’une voix entrecoupée de sanglots :
    — Ha Monsieur ! Que vous ai-je fait pour que vous
me rebutiez ainsi ? Vous ai-je été infidèle ? Vous ai-je volé ?
Vous ai-je mal servi ?
    — Ah ! Ma Louison ! dis-je, bien le
rebours ! Tu fus parfaite en toutes tes capacités et je ne pense et je
n’ai à dire de toi que du bien…
    — Faut-il donc que vous me jetiez à la rue sans qu’il y
ait eu faute de mon fait ?
    — Mais Louison, dis-je, tu ne m’as pas bien ouï. Je ne
te jette pas à la rue : je te renvoie à notre logis du Champ Fleuri.
    — Mais c’est bien pis ! s’écria-t-elle avec
passion. Et que va-t-on dire de moi dans le domestique ? Moi que vous avez
haussée si haut en me faisant coucher dans la Maison du roi et en le cabinet de
votre chambre où la nuit, quand je ne dormais pas, je vous écoutais respirer.
    Eh oui, belle lectrice ! Vous m’y prenez, le rouge au
front ! J’avais menti à ma Gräfin sur un point au moins :
c’était La Barge qui dormait en ma salle à recevoir, et en mon cabinet Louison,
laquelle, tous les matins, ayant fait sa toilette, me venait réveiller
doucement en ma couche avec les mille enchériments que lui dictait son gentil
naturel. Et n’est-ce pas une observation un peu triste que, même avec ceux que
nous aimons le plus, nous sommes portés à dissimuler d’aucunes circonstances,
pour ce qu’elles les pourraient blesser ?
    — Louison, repris-je, comment notre domestique
pourrait-il médire de toi, puisque tu retournes en l’emploi de mon père qui le
premier t’engagea ?
    — Ah Monsieur ! dit-elle, les larmes coulant de
ses yeux bleus, grosses comme des pois, que pensera-t-on de moi quand j’aurai
perdu la gloire de coucher au Louvre et d’appartenir à un premier gentilhomme
de la Chambre ?
    Elle dit cela très joliment, s’étant frottée chez la
duchesse d’Angoulême à un monde où le bien-dire et les bonnes façons (sinon les
bonnes pensées) étaient avant tout prisés.
    — Et encore, dit-elle, toujours pleurant, ce n’est pas
tout ! Il y a beau temps, Monsieur, que je n’ai pas laissé d’apercevoir
que vous n’aviez point tant appétit à moi que de prime et que vous étiez
amoureux ailleurs.
    — Tu ne te trompais point.
    — Et de qui, Monsieur ? Me voulez-vous pas
permettre de vous le demander ?
    — D’une haute dame.
    — Ah ! Voilà qui me conforte un peu !
dit-elle avec un soupir. Je n’eusse pas supporté que vous le fussiez devenu
d’une garcelette de mon acabit. Monsieur, allez-vous épouser votre haute
dame ?
    — Nenni, cela ne se peut.
    — Eh quoi ! dit-elle, un peu rebroussée,
allez-vous vivre continuellement avec elle dans le péché ?
    — N’est-ce pas ainsi que je vivais avec toi ?
dis-je avec un sourire.
    — Ah ! Mais avec moi ce n’était pas tout du même,
Monsieur ! Je ne suis qu’une chambrière !
    Cette théologie-là me parut quelque peu étrange, qui voulait
que le degré du péché dépendît du rang. Mais prenant avantage du fait qu’elle
parlait mariage, je décidai de porter ses pensées de ce côté-là plutôt que sur
son passé avec moi.
    — Mais toi-même, Louison, dis-je doucement, étant jeune
et bien faite, tu te marieras un jour et je te doterai alors décemment, comme
j’ai toujours dit que je ferai, pour te remercier de tes infinies gentillesses.
    — La grand merci à vous, Monsieur, dit-elle avec élan.
    Puis s’étant songé un temps en elle-même, elle reprit :
    — Mais Monsieur, si vous ne deviez pas la trouver trop
impertinente, j’aimerais m’autoriser de vos bontés pour vous adresser une
requête.
    — Et quelle est-elle ?
    — J’aimerais avoir un objet de vous, fût-il bien petit,
qui me rappelât le temps où je fus pour vous ce que vous savez.
    Je lui tournais alors le dos et je fis quelques pas dans la
pièce, me voulant donner le temps de la réflexion.
    — Monsieur, dit-elle, êtes-vous fâché ?
    — Non point. Je réfléchis.
    Or, je savais fort bien le

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