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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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souplesse
que je ne m’y serais attendu, Sa Majesté la reine demande que vous veniez sur
l’heure la visiter.
    — Eh bien ! Me vela ! dit Louis en
posant le chiffon sur le râtelier qui portait les arquebuses. Monsieur de
Siorac, viendrez-vous ? reprit-il en se tournant vers moi.
    — Monsieur de Siorac n’a pas le choix, dit le grand
chambellan avec une majesté écrasante. Étant le seul premier gentilhomme de la
Chambre présent à s’teure dans vos appartements, le protocole lui commande,
Sire, de vous accompagner.
    — Croyez bien, Sire, que rien ne pourrait m’agréer
davantage, dis-je en faisant le courtisan.
    Le roi ne se rendait pas, en effet, chez la reine sa mère en
batifolant. Il y fallait du protocole. En tête marchait le grand chambellan
qui, pour ainsi dire, ouvrait respectueusement la marche à Sa Majesté en se
dandinant sur ses énormes hanches. Ensuite, venait le roi lui-même qui
paraissait, dans le sillage de Monsieur d’Aiguillon, si petit et si fragile.
Derrière lui son gouverneur, Monsieur de Souvré, et le sous-gouverneur.
Monsieur Despréaux. Derrière eux, un des quatre premiers gentilshommes de la
Chambre, moi-même en l’occurrence. Derrière moi, le médecin Héroard et le
précepteur Lefèvre. Derrière eux, Monsieur de Berlinghen et un page. Et enfin,
fermant la marche, et tout à fait par exception – le grand chambellan ne
s’étant pas aperçu qu’il nous avait emboîté le pas – le nain du roi, qui
se donnait grand-peine pour retenir le petit chien Vaillant lequel, étranger à
tout sentiment de bienséance, tirait furieusement sur sa laisse pour rejoindre
son maître.
    La reine était dans son cabinet devant sa collation (qui,
comme celle de ma Gräfin, se composait de confiture, de galettes et de
vin), entourée de ses intimes amies : ma bonne marraine, la duchesse de
Guise ; sa fille, la princesse de Conti ; sa belle-fille, autre
duchesse de Guise, mais celle-ci régnante (si tant est que sa niaiserie lui
permît de régner sur qui que ce fût) ; la comtesse d’Auvergne (l’épouse du
prisonnier de la Bastille) et la marquise de Guercheville, la beauté mûrissante
qui m’avait donné La Barge. Assistant à la collation de la régente sans pouvoir
y prendre part, elles jouissaient du moins du privilège d’être assises sur des
tabourets.
    Mais quant aux jeunes et jolies demoiselles d’honneur sans
lesquelles ces hautes dames eussent tenu pour déshonorant de se déplacer, elles
se trouvaient, faute de place, plantées en un rigoureux alignement devant les
tapisseries des murs. À les examiner au passage, comme je ne manquai pas de
faire, elles portaient toutes un air languissant et mélancolique qui leur
donnait un attrait romanesque, mais qui, à ce que je supposais, était dû à ce
que leurs pauvres jambes devaient leur rentrer dans le corps, du fait de leur
station debout et de leur interminable immobilité.
    Quoi qu’il en fût, et qu’elles fussent debout ou assises,
dames ou demoiselles emplissaient la pièce d’une telle abondance d’amples
vertugadins que l’essaim masculin qui amenait le roi à la reine sa mère eut le
plus grand mal à se frayer un chemin à travers les corolles de ces vêtures
multicolores. Et d’autant plus que la régente et ces hautes dames, à la vue du
roi, se levèrent à l’unisson pour s’évaser devant lui en de profondes
révérences qui remplirent le peu d’espace que nous pouvions encore occuper. Le
pire, toutefois, fut évité quand Madame de Guercheville, dont le grand usage de
la Cour ne se trouvait jamais en défaut, fit signe aux demoiselles d’honneur de
demeurer collées à leurs tapisseries sans saluer Sa Majesté autrement qu’en
inclinant la tête.
    La reine se rassit avec cet air revêche et rebéqué qu’elle
prenait pour de la grandeur et se remit incontinent à sa collation, comme si
elle oubliait que son fils et souverain se tenait debout devant elle. Elle
était superbement attifurée en satin et perles avec une grande collerette en
point de Venise piquée de diamants qui se relevait derrière sa nuque et lui eût
donné un air véritablement royal, si un éclair d’humanité avait pu faire
briller ses yeux et arracher un sourire aimable à la lèvre boudeuse et
protubérante qu’elle avait héritée des Habsbourg.
    Tandis qu’elle poursuivait sa collation avec sa morgue
coutumière, je tâchai de me rapprocher du roi en progressant le long des murs
grâce à la complicité

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