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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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une princesse anglaise ni sur une infante espagnole. En y
pensant plus tard un peu plus outre, je conclus que la reine n’avait point
assez de finesse pour avoir imaginé seule ce traquenard et qu’il lui avait été
soufflé par les marquis d’Ancre.
    Quoi qu’il en fût, cette question insidieuse posée, tous les
yeux se fichèrent sur le roi en l’attente de ce qu’il allait dire. Cette
attente fut déçue. Il ne dit ni mot ni miette. Il se contenta de sourire.
    Toutefois, un instant plus tard, il se tourna vers Monsieur
d’Angés (dont je ne sus jamais pourquoi il se trouvait là, n’appartenant ni au
roi ni à la reine-mère) et lui dit : « Espagne !
Espagne ! » comme si à la réflexion, il s’était décidé à contenter sa
mère sans toutefois s’adresser à elle.
    Son silence, son sourire et tout soudain cette exclamation
outrée qui prenait à témoin quelqu’un qui lui était visiblement étranger, produisirent
un certain malaise dans l’assistance et plus encore sur la reine qui eut l’air
de sentir quelque dérision secrète dans cette conduite, car elle se renfrogna
davantage, fronça le sourcil et avança sa lippe dans une moue pleine de morgue.
    — En un mot, mon fils, dit-elle d’un ton hautain, je
vous veux marier. Le voulez-vous bien ?
    — Je le veux bien, Madame, dit Louis, aussi
mécaniquement que s’il récitait une leçon.
    Cette feinte soumission exaspéra la reine. Elle prit une
inspiration profonde et prononça sur le ton le plus écrasant :
    — Toutefois, vous ne sauriez faire encore des
enfants !
    — Je ne l’ignore pas, Madame, dit Louis. Excusez-moi.
    — Et comment le savez-vous ? dit la reine, comme
si c’eût été un crime de le savoir, alors quelle venait de le lui dire.
    — Monsieur de Souvré me l’a appris.
    À cela il n’y avait rien à reprendre et la reine se tut,
laissant tomber un silence qui était aussi gênant pour elle qu’avait été
pénible pour l’assistance l’humiliation qu’elle avait tâché d’infliger en
public au roi sans y réussir tout à fait.
    On pensait en avoir fini avec cette noise qu’elle cherchait
à son fils quand, reprenant la parole, elle lui dit du ton le plus froid :
    — Je veux que vous alliez demain à
Saint-Germain-en-Laye visiter Monsieur. Il est fort mal allant.
    Le coup, cette fois, surprit Louis hors de ses gardes. Il ne
put s’empêcher de montrer son trouble, ayant toujours ressenti affection et
compassion pour ce frère maladif.
    — Nicolas est fort mal allant ? s’écria-t-il en
pâlissant.
    — C’est pourquoi vous l’irez voir demain, dit la reine
en se levant pour lui signifier son congé.
    Imitée par les hautes dames qui étaient là, la reine-mère
fit au roi de France une profonde révérence à laquelle il répondit par un
profond salut et, précédé par le grand chambellan, il sortit.
    Il était fort pâle et sa lèvre inférieure tremblait.
Toutefois, il réussit à ne pas pleurer, du moins tant qu’il fut avec nous.
     
    *
    * *
     
    Le lendemain qui était un treize novembre, Louis ne put partir
pour Saint-Germain-en-Laye pour visiter le pauvre Nicolas : Paris était
sous la neige. Il y en avait déjà un bon pied dans les rues, ce qui laissait
mal augurer du chemin qui menait à Saint-Germain, lequel passait par les marais
et les bois du Vésinet et imposait en outre qu’on mît le carrosse royal sur un
bac pour traverser la rivière de Seine : opération déjà délicate par beau
temps, mais qui le devenait davantage, quand la neige sur l’embarcadère s’était
changée en bouillie sous les sabots des chevaux.
    Louis, qui en ses chasses se faisait une gloire de braver
les intempéries, comme son père le roi-soldat avait fait en ses guerres, pria
ardemment qu’on commandât son carrosse. Mais Monsieur de Souvré, qui n’avait
pas les mêmes raisons que lui de se montrer héroïque, remit au lendemain un
voyage qui, par temps sec, prenait déjà trois heures, et prendrait près du
double sur des routes enneigées sans compter les périls qu’il ferait courir à
son pupille et à lui-même.
    Je balançai à demeurer au Louvre, mais comme Louis m’avait
prévenu qu’il ne m’adresserait pas la parole de trois à quatre jours pour les
raisons que l’on sait, je décidai de passer les froidures dans le cocon de ma
famille et ordonnai à La Barge de seller nos chevaux, laissant Robin seul, et point
tant marri de l’être, en mon appartement du

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