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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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l’officieux et l’important qui le
possédait souvent, n’avait eu la malencontreuse idée de reparler de Nicolas en
des termes qui n’arrangeaient rien. Cette balourdise réveilla Louis. Il changea
de couleur, se redressa sur son séant et dit d’une voix étouffée comme si sa
gorge se nouait :
    — N’y a-t-il pas moyen de le sauver ?
    — Sire, dit Monsieur de Souvré, les médecins y font ce
qu’ils peuvent, mais il faut que vous priiez Dieu pour lui.
    Ce qui était une façon véritablement stupide de laisser
entendre à Louis, au moment où il allait commencer sa nuit, que son frère était
perdu.
    — Je veux bien prier Dieu, dit Louis avec la dernière
anxiété, mais ne peut-on faire autre chose ?
    — Sire, dit Monsieur de Souvré, il le faut vouer à
Notre-Dame de Lorette.
    — Je le veux bien, dit Louis fiévreusement, mais que
faut-il faire pour cela ? Où est mon aumônier ? Monsieur de Souvré,
faites venir mon aumônier !
    Monsieur de Souvré, qui me donna l’impression d’être
lui-même assez fatigué, commença sans doute à penser qu’il avait peut-être eu
tort de peindre la maladie de Nicolas en couleurs aussi sombres.
    Néanmoins, Louis paraissait si agité, si près de nouveau des
larmes, que Monsieur de Souvré fit appeler l’aumônier qui, au bout de quelques
instants, se présenta. C’était un grand, gros homme à la physionomie tant
simplette que niaise. Il n’eut pas l’air de penser que vouer Monsieur à
Notre-Dame de Lorette suffirait à le sauver et il suggéra de faire de
Notre-Dame de Lorette une image d’argent de la hauteur de Nicolas. Belle
lectrice, je vous laisse à deviner ce que mon père et La Surie (en tant que
« caques sentant toujours le hareng ») auraient pensé de cette
« idolâtrie ». Toutefois, elle redonna espoir à Louis, qui
s’écria :
    — Qu’on envoie à Paris tout à cette heure ! Qu’on
se dépêche ! Qu’on fasse cette statue incontinent !
    Monsieur de Souvré, qui regrettait d’avoir été la cause de
ce tumulte, lui assura que ce serait fait et Louis, à voix haute, se mit à
prier Dieu pour Nicolas avec beaucoup d’ardeur et d’élan, les larmes coulant
sur ses joues.
    Quand il eut fini, le docteur Héroard, qui pendant toute
cette scène était demeuré très à l’arrière-plan, s’avança alors jusqu’à la
couche de Louis et lui dit d’une voix très assurée :
    — Sire, dit-il, dormez en paix ! Monsieur va mieux ce soir. Je le tiens pour sûr.
    Ces paroles firent merveille. Louis poussa un gros soupir,
se rasséréna et sans un mot de plus, s’étendit de tout son long, laissant les
femmes le border.
    — Messieurs, dit en s’adressant à l’assistance le grand
chambellan (lequel parlait toujours comme si sa voix devait retentir sous les
voûtes d’une cathédrale), retirez-vous ! Le roi dort !
    Il ne dormait pas encore, mais il était proche du sommeil et
dès que nous fûmes hors de ses appartements, je m’approchai du docteur Héroard
et lui dis à l’oreille :
    —  Monsieur va-t-il mieux vraiment ?
    — Nenni, dit-il sur le même ton, je n’ai fait ce
rapport au roi que pour le relever de son déplaisir et lui permettre de passer
une bonne nuit.
    — Et qu’en est-il en fait ?
    — Il se meurt.
    J’appris plus tard que le pauvre Nicolas, entre deux
convulsions, sombrait dans un endormissement si profond qu’il devenait de plus
en plus difficile de l’en retirer. Après cette soirée, il vécut encore une
journée et, dans la nuit du seize au dix-sept novembre, entre minuit et une
heure du matin, il entra à la parfin dans ce sommeil dont personne n’est jamais
revenu.
    Et comment Louis l’apprit et par qui, je trouve la chose
chargée de trop de sens pour en omettre le récit dans ces Mémoires.
    Le dix-sept, tôt le matin, dès que j’eus déjeuné, je gagnai
les appartements du roi et trouvai Louis à ses études avec le vieil abbé
Lefèvre qui lui faisait réciter ses verbes latins : spectacle fort peu
plaisant à voir et à ouïr, car l’enseignant paraissait s’y ennuyer au moins
autant que l’enseigné, tant est que la leçon traînait dans la lenteur et la
morosité, Monsieur Lefèvre répétant sans entrain les questions que Louis
accueillait sans espoir d’y répondre, l’œil fixé tristement sur les verrières
que de gros flocons tout soudain obscurcirent.
    Juste avant le début de sa leçon, Louis avait demandé à
Monsieur de Souvré de l’amener

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