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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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de la nouvelle
affreuse qu’il venait d’apprendre. Au bout d’un moment, il laissa là sa petite
armée et s’approchant de Monsieur de Souvré, il lui dit d’une voix basse,
effrayée et très proche des larmes :
    — Monsieur de Souvré, plaise à vous de demander à la reine
que je n’aille pas donner de l’eau bénite à mon frère. Je ne pourrais le
supporter.
    Monsieur de Souvré inclina la tête en signe d’assentiment.
Si épais qu’il fût, il ne manquait pas de cœur. Et bien savait-il, comme tous
ceux qui en avaient été les témoins, que Louis n’avait jamais pu oublier cette
journée du quatorze mai où il avait vu son père, les yeux clos, le teint livide
et le pourpoint ensanglanté, reposant sur un lit de parade dans une effrayante
immobilité.

 
CHAPITRE VII
    Maintenant que Louison ne couchait plus dans mon petit
cabinet et, par voie de conséquence, ne me venait plus tirer du sommeil du
matin de la façon que j’ai dite, c’était Paris qui me réveillait, et d’abord
par ses coqs.
    Comme il y a peu de maisons de la noblesse et de la bourgeoisie
étoffée en cette grande ville qui n’aient une cour et une écurie pour y loger
leurs chevaux, un puits pour non point boire l’eau fétide de la rivière de
Seine, il n’en est pas non plus sans potager pour cultiver les herbes, ni sans
coqs pour régner sur des poules et se paonner de leur domination sur elles à la
pique du jour par des cris discordants.
    Ce tintamarre des centaines de coqs parisiens s’apaisant à
la fin sans cesser tout à fait, retentissait alors, gai et clair, le carillon
de la Samaritaine sur le Pont Neuf. Empiétant sur ses dernières notes,
l’horloge du Palais annonçait par de grands coups sourds et menaçants que la
justice des hommes demeurait vigilante à punir les petits en épargnant les
puissants. Bourdonnaient ensuite interminablement les cloches de
Saint-Germain-l’Auxerrois, et bientôt des cent une églises de la capitale qui,
sans aucun respect pour le sommeil des Parisiens, commandaient impérieusement
aux fidèles de s’arracher à leurs chaudes et douillettes couches pour courir se
repentir des péchés qu’ils y avaient commis.
    Dès que les messes de l’aube commençaient, les cloches
toutefois se taisaient et une accalmie s’ensuivait, délicieuse, mais beaucoup
trop brève pour que j’eusse eu le temps de me rendormir, ococoulé dans mes couvertures,
car déjà les bateliers de la rivière de Seine – tous mauvais
garçons – venaient mettre à quai leurs gabarres alourdies au proche port
au foin. Ce qu’ils faisaient en échangeant des lazzis dans l’accent grasseyant
qui était le leur, ou en braillant des chansons qui eussent fait rougir les
dévotes matinales qui se pressaient par les rues, si elles avaient pu les
comprendre.
    À cette païenne noise, s’ajoutait bientôt le roulement
infernal sur les pavés des lourds charrois qui, de tous les coins de Paris,
convergeaient vers le port pour y charger les foins, les bûches, les viandes et
les herbes amenées par les chalands. Lesquels charrois étaient accompagnés par
des corporations qui, sous le rapport de la force de gueule, de l’humeur
escalabreuse et de la truanderie, ne le cédaient en rien aux bateliers de
Seine : les cochers, les crocheteurs et les mazeliers [35] .
    Tous ces robustes ribauds, quasiment sous ma fenêtre,
menaient grand tapage, lequel était à l’ordinaire de gausseries et de refrains
sales, mais à l’occasion dégénérait en vociférations et féroces querelles, où
le fouet, le bâton, les crochets, et parfois le cotel, faisaient mort d’homme
sans qu’intervinssent le moins du monde les archers de la prévôté, occupés à
déclore les énormes battants de la Porte de Bourbon pour admettre le flot des
centaines de gens qui composent le domestique du Louvre. Mais il va sans dire
que nos beaux hoquetons bleus n’eussent pas consenti à jeter un œil, ni même à
toucher du bout de leurs hallebardes cette canaille de rivière et de boucherie,
à moins quelle ne se fût avisée de vouloir pénétrer de force dans le Louvre.
    Cette Porte de Bourbon, qui devait jouer un rôle si décisif
dans le destin de Concini, s’ouvrait entre deux grosses tours rondes que mon
père aimait, parce quelles lui rappelaient les châteaux forts du Périgord, mais
que, fils d’un autre âge, je trouvais désuètes. La porte elle-même, faite de
chêne épais, aspée de fer, et dont j’ai toujours ouï

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