L'énigme de l'exode

d’un des pick-up, lequel était garé devant la porte ouverte d’un bâtiment en brique éclairé de l’intérieur. Deux autres jeunes sortirent en portant une caisse, qu’ils chargèrent sur le plateau. Les cheveux tondus, eux aussi, ils étaient vêtus d’une chemise bleu vif et d’un pantalon kaki.
    — Ça ira, dit Griffin. Nous allons devoir revenir, de toute façon.
    Il verrouilla la porte du bâtiment, monta dans le pick-up et les trois jeunes se hissèrent à l’arrière.
    — Qu’est-ce qu’ils font ? murmura Omar tandis que le pick-up s’éloignait.
    — Ils vident leur réserve, répondit Knox, pour que nous ne trouvions rien de compromettant demain.
    — Allons au commissariat. On racontera tout à la police.
    — Ils auront tout caché avant qu’on ne revienne.
    — S’il vous plaît, Daniel. Je déteste ce genre d’embrouilles.
    Knox donna les clés de sa jeep à Omar.
    — Attendez-moi dans la voiture. Si je ne suis pas de retour d’ici une heure, prévenez la police.
    — Venez avec moi, insista Omar.
    — Il faut qu’on sache ce qu’ils vont faire de tout ça.
    Avant qu’Omar n’ait le temps de protester, Knox se redressa d’un bond et courut après le pick-up, dont les feux arrière étincelaient dans les ténèbres comme les yeux d’un démon.

    II
    Lily sortit d’un air penaud de la chambre de Stafford.
    — Il a des coups de fil urgents à passer, annonça-t-elle à Gaëlle, qui attendait dans le couloir. Est-il vraiment indispensable qu’il vienne avec nous ?
    — C’est votre documentaire, soupira Gaëlle. Fatima a pensé que cela pourrait vous intéresser, c’est tout.
    — Elle a eu tout à fait raison. Nous apprécions votre sollicitude, seulement...
    — Il a des coups de fil à passer.
    — En effet, confirma Lily en baissant les yeux.
    Stafford avait découvert qu’il y avait une connexion Internet dans sa chambre. Après avoir relevé son courrier électronique, il avait lancé une recherche sur son propre nom pour voir si quelqu’un avait récemment écrit quelque chose de gentil sur lui.
    Lily et Gaëlle franchirent la grille du complexe et s’enfoncèrent dans le désert. Dans le sable mou, Lily eut l’impression que son matériel vidéo était deux fois plus lourd que d’habitude.
    — Je peux vous aider ? proposa Gaëlle.
    — Si cela ne vous dérange pas.
    — Vous êtes cadreur, c’est ça ? demanda Gaëlle en prenant un sac.
    — Cadreur et réalisatrice, précisa Lily. Je suis aussi ingénieur du son, coursier, secrétaire, tout ce dont Charles peut avoir besoin.
    Apparemment, Stafford avait vécu dans le luxe et s’était entouré de grandes équipes lorsqu’il avait travaillé aux frais de son producteur. Mais, contrarié à l’idée que d’autres gagnent de l’argent grâce à son travail, il avait fini par créer sa propre société de production pour fournir lui-même le produit fini aux chaînes de télévision. Par conséquent, il avait réduit les coûts au minimum et recruté des personnes inexpérimentées, comme Lily, qu’il malmenait sans pitié. Trois d’entre elles ayant démissionné une semaine auparavant, Lily s’était retrouvée seule pour gérer ce voyage cauchemardesque. Elle avait espéré trouver de l’aide parmi les autochtones, mais les manières despotiques de Stafford les avait fait fuir.
    — Je ne filme pas autant que je voudrais, avoua-t-elle. Charles préfère faire le cadrage lui-même.
    Elle s’autorisa un demi-sourire.
    — Je crois qu’il se considère comme un aventurier intrépide, capable d’affronter le désert en solo, ajouta-t-elle. Lorsqu’il parle à la caméra, il modifie sans cesse les réglages pour que les téléspectateurs aient l’impression qu’il est seul. Je ne filme que lorsqu’il interviewe quelqu’un ou lorsqu’il a besoin de faire un panoramique ou de zoomer.
    Elles arrivèrent à l’entrée du site. Gaëlle déverrouilla la porte en bois, alluma le groupe électrogène et attendit quelques instants avant de tourner les interrupteurs. Elle conduisit Lily le long de galeries lugubres, creusées dans un grès friable, jusqu’à une chambre obscure.
    — Incroyable, murmura Lily. Où sommes-nous ?
    — À l’intérieur du pylône d’un temple de la dix-neuvième dynastie dédié à Amon, dit Gaëlle avant de désigner un tas de pierres dans un coin. Et voici ce que je voulais vous montrer. Ce sont des talatates, des blocs de pierre datant de l’Égypte ancienne. Ils