L'énigme de l'exode
tourna de nouveau vers Gaëlle.
— Puis-je vous poser une question stupide ? demanda-t-elle. Quelque chose m’intrigue depuis que nous sommes ici, mais je n’ai jamais osé en parler.
— Bien sûr.
— C’est à propos de la prononciation. Étant donné que l’alphabet égyptien ne comportait pas de voyelles, comment savez-vous comment on prononçait Akhénaton, Néfertiti et tous les autres noms propres ?
— Ce n’est absolument pas une question stupide. À vrai dire, nous n’en sommes pas sûrs. Les experts se sont basés sur d’autres langues, notamment le copte.
— Le copte ? Je croyais qu’il s’agissait d’une religion.
— C’en est une. Tout cela remonte à la conquête de l’Égypte par Alexandre le Grand. Celui-ci a imposé le grec en tant que langue administrative, mais le peuple a bien sûr continué à parler égyptien. Les scribes ont donc pris l’habitude d’écrire l’égyptien phonétiquement avec l’alphabet grec, qui, lui, comportait des voyelles. Finalement, cette écriture a donné naissance au copte, qui est à son tour devenu la langue des premiers chrétiens d’Égypte, dont ils tirent leur nom. Par conséquent, lorsqu’on trouve un mot égyptien écrit en copte, on a une idée assez précise de sa prononciation d’origine. Bien sur, cette technique n’est pas fiable à cent pour cent, surtout en ce qui concerne l’ère amarnienne, qui s’est achevée plus de mille ans avant l’arrivée d’Alexandre. Dans ce cas, on passe plutôt par le cunéiforme akkadien. Et l’akkadien est une langue bâtarde, vous pouvez me croire. C’est la raison pour laquelle le nom d’Akhénaton a été transcrit de différentes façons au fil des années. Les Britanniques de l’époque victorienne utilisaient plutôt le nom de Khu-en-aten ou de Ken-hu-aten, mais récemment...
Gaëlle s’interrompit, et posa une main sur son ventre. Sa respiration s’accéléra.
— Que se passe-t-il ? s’inquiéta Lily.
— Rien, un vertige, c’est tout.
— C’est ce soleil !
— Oui, dit Gaëlle.
Elle reprit ses esprits et s’efforça de sourire.
— Cela vous ennuierait-il que je retourne à la voiture pour m’asseoir un peu ? demanda-t-elle.
— Bien sûr que non. Voulez-vous que je vous accompagne ?
— Non, ça ira, merci.
D’un pas incertain, Gaëlle redescendit vers le 4x4. Les hommes de la police touristique sommeillaient à l’avant de leur camion. Arrivée au Discovery, Gaëlle prit le livre de Stafford et s’assit de côté sur le siège du conducteur, dont le tissu synthétique était devenu collant avec la chaleur. Elle tourna les pages jusqu’à ce qu’elle trouve ce qu’elle cherchait.
C’était exactement ce qu’elle pensait.
Mais c’était impossible. Vraiment impossible. À moins que...
IV
Dès l’instant où le goutte-à-goutte était tombé, Peterson avait su qu’il était trop tard. Il ne lui restait plus qu’à espérer pouvoir sortir sans se faire remarquer. Lorsque le policier était entré, il s’était caché derrière la porte. Et quand l’homme était parti chercher de l’aide, il avait filé par la porte battante, au bout du couloir, avant de dévaler les escaliers des deux étages et de s’enfuir par une sortie de secours. Assis dans son Toyota, il tentait désormais de reprendre ses esprits et de réfléchir à la suite des événements.
Il s’était toujours enorgueilli de sa force de caractère, de son aptitude à garder son sang froid. Mais, indéniablement, la situation présente le rendait nerveux. Knox allait parler de son intrusion dans sa chambre. Même s’il ne se souvenait pas des événements de la veille, il n’aurait aucun mal à décrire son agresseur. Et Farouq ferait le lien en un clin d’œil. Peterson comprit qu’il ne s’en sortirait pas en se contentant de nier en bloc. Il lui fallait un alibi. Il devait retourner au chantier de fouilles.
Soudain, une fenêtre s’ouvrit au premier étage. Peterson vit Knox se jeter dans le vide, tomber sur le tas de sable et se précipiter en chancelant vers la route.
Un immense frisson le parcourut. Il se sentit envahi par un sentiment d’immunité. Dieu avait voulu qu’il voie cela. Cela signifiait qu’il avait encore une mission à lui confier. Au fond de son cœur, Peterson sut de quoi il s’agissait et accepta sans hésiter.
Il démarra et vit Knox s’effondrer dans un taxi, qu’il suivit dans les rues d’Alexandrie jusqu’à un grand immeuble gris.
Weitere Kostenlose Bücher