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L'énigme des blancs manteaux

Titel: L'énigme des blancs manteaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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perdition pouvaient vouloirdissimuler autre chose. Qu'irait-on soupçonner chez une âme qui, d'elle-même, requerrait contre sa propre vertu en usant des plus formidables arguments ? Nicolas n'était pas accoutumé à affronter un adversaire de cette nature. Sa jeunesse était un inconvénient et son registre d'expériences était trop limité. Il venait tout juste de commencer sa collection d'âmes. Il aimait que les formes fussent respectées, et le cynisme le déconcertait comme une monstruosité de l'esprit. Et pourtant, depuis une semaine, il avait tourné, haletant, bien des pages. Les propos de Louise Lardin l'offensaient comme un manque odieux aux règles qui régissaient le commerce de la société. Une autre idée lui traversa l'esprit : l'attitude de Louise n'était peut-être, au fond, que la dernière tentative d'une âme perdue pour ne pas tomber dans des désordres encore plus graves, et sa sincérité un hommage que le vice rendait à la vertu.
    Mais ce n'était guère l'heure de philosopher. Nicolas était seul dans la maison et il fallait en profiter. Il écarta les scrupules qui se présentèrent ; ils étaient de peu de poids en regard de l'importance de sa mission. Dans la bibliothèque, quelqu'un — le commissaire, Louise ou un tiers — avait fait le vide dans les papiers. La chambre de Mme Lardin ne lui offrit rien non plus. Il regarda, songeur, le lit ravagé. Une bouteille vide et deux verres donnaient quelque apparence de vérité aux ébats de deux amants. L'ombre aux aguets dans la rue des Blancs-Manteaux, s'il s'agissait bien d'un homme de Bourdeau, aurait peut-être quelque chose à dire sur les horaires de Mauval et de sa maîtresse.
    Nicolas examina avec soin les vêtements et les chaussures, et fit de même dans la chambre de Marie. Dans celle-ci, une chose l'étonna. La garde-robe dela jeune fille semblait complète. Était-elle partie sans bagages ? Il compara les empreintes de pas relevées à Vaugirard avec une paire de bottines pleines de boue, elles coïncidaient.
    La fatigue finit par l'emporter. Nicolas gagna lentement sa mansarde et se rappela qu'il devrait le lendemain la quitter pour toujours. Il n'y avait été ni heureux ni malheureux, uniquement soucieux d'apprendre et de bien faire durant les mois de son apprentissage. Elle prendrait place dans son souvenir et dans son regret comme toutes les choses et tous les êtres abandonnés au bord du chemin, parce que la vie, la mort ou une petite lumière mystérieuse en décident sans appel.
    Il réunit ses vêtements et prépara son portemanteau. Mettant la main dans la poche de l'habit qu'il porterait le lendemain, il tomba sur un petit papier plié en quatre. Il l'ouvrit et vit tout d'abord son prénom dans l'angle du document, avant de déchiffrer une phrase qu'il connaissait déjà :
    Des trois une paire.
    Et celui qui les ferme.
    Se donne à tous.

    Ainsi, Lardin, alors que Nicolas était encore à Guérande, avait souhaité lui laisser ce message sibyllin. Mais pour quelle raison, et que voulait-il dire ? C'est en y songeant que le jeune homme, vaincu, s'endormit.

X
    TOURS ET DÉTOURS
    Quippe series vinculorum ita adstricta ut unde nexus inciperet quoue se conderet nec ratione nec uisu perspici posset
    Car la série des nœuds était si compacte que ni la réflexion ni la vue ne permettait de saisir d'où partait cet entrelacement et où il se dérobait
    Quinte-Curce

    Vendredi 9 février 1761
    Étendu sur le sol, il sentait le soleil rougeoyer derrière ses paupières closes. Après une course folle sur la lande, il avait attaché son cheval aux vestiges d'une barque démembrée, à demi ensablée sur la grève. Le ressac l'avait assoupi. Et soudain le bruit familier s'était éteint; il n'avait jamais observé, jusque-là, que l'océan pût cesser son éternel mouvement. L'air lui manqua, il se redressa et ouvrit les yeux, qu'il referma aussitôt, ébloui par la lumière. Il fut saisi par un tourbillon de sensations et se retrouva, transi de froid, dans sa couchette. La veille,après une journée d'épreuves, il avait sombré, tout habillé, dans l'inconscience. Il n'avait pas pris le soin habituel de fermer ses volets et un rayon de soleil hivernal avait trouvé le chemin de son visage. Il s'étira comme une bête, membre après membre, avec précaution. Une nuit de sommeil avait chassé la douleur et laissé la place à un engourdissement et à une raideur assez semblables à la fatigue d'une journée à cheval

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