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L'énigme des blancs manteaux

Titel: L'énigme des blancs manteaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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lanterne — sinon qu'aux portes de la capitale l'Afrique installait sa sorcellerie et ses pratiques païennes. Il se rappela soudain un événement de sa jeunesse encore proche. Un jour qu'il s'était abîmé le coude, au coursd'une de ces rixes qui ponctuaient les parties de soule, Fine l'avait conduit chez une repasseuse de coiffes qui bénéficiait d'une réputation de rebouteuse à vingt lieues à la ronde. Tandis que sa nourrice multipliait les signes de croix, la vieille avait commencé une étrange mélopée puis, après avoir tourné plusieurs fois sur elle-même, lui avait mis un clou dans la main et lui avait demandé un liard. Alors, elle avait attiré sa tête contre sa cotte noire dont il sentait encore, dix ans après, l'étrange fumet. Elle avait plongé sa main dans un pot empli d'une matière visqueuse et vigoureusement frotté l'endroit malade, en prononçant, à haute voix, cette formule en breton, dont il se souvenait encore : « Pa'z out ar jug braz, Otro Saint Erwan ar Wirionè Clew ac'hanan 39 . » Son bras, qu'il ne pouvait plus étendre l'instant auparavant, avait miraculeusement retrouvé sa souplesse. La vieille l'avait prévenu que désormais il sentirait la pluie venir par des douleurs à cet endroit, qui deviendraient permanentes dans sa vieillesse. Ce temps-là n'était pas encore venu.

    Ainsi, la pauvre Awa s'était contentée de respecter sa propre coutume pour tenter de connaître le sort de son compagnon. Nicolas n'avait pas, lui non plus, oublié Saint-Louis, mais plus le temps passait et plus l'espoir de retrouver le serviteur de Semacgus diminuait.
    La conversation avec Catherine avait confirmé ce que Nicolas savait déjà sur Mme Lardin et sur son libertinage. Le commissaire, dans les propos de sa servante, était réduit au rôle peu flatteur de mari trompé, de joueur impécunieux et de maître sans scrupule. Le personnage lui semblait pourtant avoir une tout autre dimension, plus inquiétante, que la femme au grand cœur, dans sa simplicité, ne mesuraitpas. Quant à cette phrase sibylline trouvée dans les poches de l'habit de Lardin, la veille de sa disparition, il ne voyait vraiment pas à quoi elle pouvait correspondre.
    Nicolas mesura encore une fois l'ampleur de sa tâche. Les paroles de M. de Sartine résonnaient dans sa tête. Il songea soudain au roi qui, lui aussi, devait attendre des nouvelles de son lieutenant de police. Il entrevit le fond dramatique de toute cette histoire, la guerre qui se poursuivait, les soldats sur les champs de bataille dans la neige et dans la boue, les monceaux de morts et les vols de corbeaux. Un long frisson le parcourut.
    Nicolas avait décidé de rentrer rue des Blancs-Manteaux. Il lui fallait se changer, faire toilette, la barbe commençant à lui pousser drue. Il devait aussi renouveler son pansement. Enfin, il lui fallait annoncer à Mme Lardin les présomptions convergentes sur la mort de son mari : il serait intéressant de mesurer la nature et l'intensité du chagrin de la veuve putative.
    Il pensa à Marie. Qu'était-elle devenue ? Serait-elle là pour l'accueillir ou déjà partie chez sa marraine ? Nicolas avait déjà pris une décision à la fois pratique et morale : il ne pouvait plus demeurer chez les Lardin. La responsabilité de l'enquête imposait ce choix ; il était trop difficile, en conscience, d'être à la fois l'inquisiteur et le locataire. Il songeait déjà à faire surveiller les alentours de la maison, au cas où Bourdeau, toujours si exact et précautionneux, n'aurait pas encore ordonné la mesure. D'autre part, il ne pouvait vivre sans que son linge fût tenu et il ignorait si Louise Lardin avait remplacé Catherine ou était restée seule, soucieuse de faire le vide autour d'elle.
    Sa songerie l'avait conduit, sans qu'il s'en rendît compte, à l'intérieur de la ville. Les lumières étaient plus vives et plus nombreuses. Comme sa voiture approchait de la Seine, elle traversa, au milieu des cris et des rires, le charivari d'un groupe de masques. L'un d'eux grimpa sur le marchepied et, d'une main, dispersa la neige qui recouvrait la vitre et y colla sa face représentant une tête de mort. Nicolas dut soutenir de longues minutes ce tête à tête avec la camarde qui, depuis des jours, tournait autour de lui comme une bête fidèle.
    Il retrouva bientôt une rue des Blancs-Manteaux toujours aussi paisible et déserte en apparence, où il décela cependant une présence tapie sous le portail de

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