L'énigme des vampires
Dracula connu aussi sous le nom de Vlad l’Empaleur. Ce
prince était sévère, mais juste. Il ne tolérait ni voleur, ni menteur, ni
paresseux. Il fit tout ce qui était en son pouvoir pour chasser cette engeance
de ses terres. Eût-il régné plus longtemps, il eût probablement réussi à
éliminer de tels parasites de son pays, et peut-être même à empêcher qu’en
naissent d’autres de ce genre. Mais nous n’avons pas cette chance aujourd’hui [43] ! »
Cruel, impitoyable, et nécessairement sanguinaire, Vlad Tepes Dracula, dans la
mémoire populaire, est certes un monstre, mais surtout une sorte de « Fléau
de Dieu », un « Ange exterminateur » appliquant à la lettre certaines
paroles de l’Évangile : « Quand une branche est pourrie, il faut la
couper afin de préserver l’arbre. » L’image de Torquemada n’est pas très
loin. Celle d’Hitler non plus.
Tout cela est bien troublant. En dehors des détails proprement
« sanglants » de la vie de Vlad IV Tepes, voevod de Valachie et « protecteur »
de Transylvanie, « héroïque » bouclier du Christianisme contre l’Islam,
considéré comme une « diablerie », son image est celle d’un Grand
Inquisiteur prêt à tout pour parvenir à ses
fins, à se voir instaurer un ordre nouveau dans une humanité dévoyée, et, bien entendu, par la
grâce de Dieu , c’est-à-dire pour obéir au commandement formel d’une « Providence »
obscure et innommable, maîtresse absolue des destinées des Dieux et des Hommes.
Bram Stoker ne s’est pas trompé dans le sens exact qu’il convenait d’apporter à
l’action de son comte Dracula. Est-ce de lui-même qu’il a opéré la synthèse
entre le pittoresque d’un récit terrifiant et fantastique et le personnage de
Vlad IV dans sa dimension réelle de maître du monde ? Ou bien est-ce
pour obéir à une injonction venue des membres
de la Golden Dawn , beaucoup moins innocents qu’on ne le pense
habituellement ? Les paroles que prête Stoker à Abraham van Helsing en
disent long à ce sujet : « Nous sommes tout dévoués à une cause, et
le but que nous nous proposons d’atteindre n’est pas d’en retirer un profit
personnel, mais un profit qui s’étendra à toute l’humanité. » Car la
croisade entreprise par van Helsing apparaît bel et bien comme la lutte de la
Lumière contre les forces réductrices des Ténèbres, représentées par Dracula. Et
il y a cette phrase hautement significative : « Les questions en jeu sont bien plus essentielles que la vie
ou la mort . » Oui, le problème posé aussi bien par le Dracula de Bram
Stoker que le Vlad l’Empaleur de l’histoire est un problème de fond, problème
essentiel : il y va de la domination du monde par une élite d’ initiés disposés à étendre leur emprise sur une humanité
subissant passivement le vouloir dictatorial des forces obscures, ce que, dans
la tradition judéo-chrétienne (et musulmane), on nomme les forces sataniques. Et
ces forces sont aussi éternelles que les forces de Lumière que les anciens
Perses nommaient Ahura-Mazdâ. Le « Vampire », incarnation de cette
puissance obscure qui vise à dominer le monde, « s’est manifesté partout :
dans l’ancienne Grèce, dans l’ancienne Rome ; en Allemagne, en France, en
Inde… Il existe encore aujourd’hui et les gens le
craignent … C’est de sa propre semence, de lui seul, que sont nés tant de grands hommes et de femmes illustres et leurs tombeaux sanctifient cette terre qui est la seule dans laquelle le
monstre se trouve chez lui. Car parmi les caractéristiques qui le rendent si
effrayant, la moindre n’est pas qu’il soit profondément enraciné dans tout ce qui est bon. Il ne pourrait perdurer
dans un terrain vierge de mémoires sacrées ».
Paroles effrayantes, on en conviendra. C’est toujours autour
des sanctuaires les plus vénérables et auprès des grands saints que se
manifeste l’Ennemi, le Diable, le grand Satan. Il ne peut réussir aucune action
ailleurs que dans les endroits consacrés au bien, car alors cette action négative perdrait toute signification et toute
destination réelle. Écoutons encore Bram Stoker sous le couvert de van Helsing :
« Si nous n’avions pas croisé son chemin, il serait maintenant – et il
peut encore l’être si nous échouons – le père et le
guide d’une nouvelle race d’hommes et de femmes qui suivront leur voie dans la
Mort, et non pas dans la Vie. » Il y
Weitere Kostenlose Bücher