L'énigme des vampires
trouva bientôt acculé dans ses derniers repaires, le long de la frontière
slovaque. Dans une tentative désespérée, Vlad Tepes lança tout ce qui lui
restait de forces contre les troupes du sultan. La bataille fut longtemps
incertaine, mais quand Alexis de Moldavie, l’allié obligé de Vlad, passa dans
le camp des Turcs avec armes et bagages, il n’eut plus d’autre solution que la
reddition ou la fuite à travers les montagnes. Vlad Tepes choisit la fuite. Il
dispersa les restes de son armée valaque et passa en territoire hongrois. C’était
en 1462. Pendant sept années, il avait régné sur les trois principautés de
Roumanie en tyran absolu, et les historiens s’accordent pour affirmer que, durant
ce temps, il fut responsable de la mort d’une centaine de milliers d’êtres
humains, amis et ennemis confondus.
L’histoire de Vlad l’Empaleur n’était cependant pas terminée.
Le sultan Mohammed le Conquérant mit sur le trône de Valachie le plus jeune
frère de Vlad, Radu, et sous la houlette de celui-ci, la principauté redevint
ce qu’elle était auparavant, une province tranquille de l’immense Empire
ottoman, de même que la Moldavie, toujours sous la férule d’Alexis, lequel
avait enfin saisi l’occasion de se débarrasser de son cruel commensal. C’est à
cause de cet Alexis que tout recommença. Alexis avait sans doute pris des
leçons de cynisme auprès de son ancien maître, et son comportement vis-à-vis
des boyards , les grands propriétaires terriens
de sa principauté, qu’il pressurait et humiliait à loisir, déclencha une révolte
ouverte de tous ses vassaux. Et, tout naturellement, ceux-ci se tournèrent vers
Vlad Tepes, lui demandant de venir les débarrasser de l’encombrant personnage
qu’était devenu Alexis de Moldavie. L’occasion était bonne et Vlad Tepes ne se
le fit pas dire deux fois, d’autant plus que les boyards lui avaient promis de
mettre à sa disposition l’armée moldave qui était restée à peu près intacte
afin de reconquérir la Valachie. Vlad vint immédiatement en Moldavie et eut tôt
fait d’éliminer, on ne sait trop comment, le voevod Alexis qui l’avait trahi. Désormais,
à la tête d’une armée moldave, il se disposa à reprendre un pouvoir que des
circonstances malheureuses lui avaient fait perdre quelques années auparavant. C’est
ainsi qu’en 1475, Vlad Tepes rentra en Valachie à la tête de l’armée moldave. Les
Turcs, qui ne s’attendaient pas à une pareille audace, n’avaient laissé que
quelques troupes dans le pays, et elles furent bousculées sans opposer de
résistance sérieuse. Le voevod Radu, frère de Vlad, abandonné par ses propres
partisans, s’enfuit en toute hâte, et en 1476, Vlad l’Empaleur était redevenu
en partie ce qu’il était avant sa défaite devant les Turcs. Pour cette
reconquête, Vlad avait bénéficié d’un corps de volontaires valaques hostiles à
Radu, corps qui fut bientôt renforcé par les boyards, de plus en plus persuadés
de la mission d’unification du terrible Dracula. Et, détail qui ne manque pas d’intérêt,
Vlad Tepes n’était officiellement que le second d’une armée commandée
officiellement par le prince Étienne Bathory de Transylvanie. Le lien entre la
famille de Vlad et celle des Bathory était une alliance d’opportunité politique,
certes, mais n’est-il pas étrange de retrouver deux siècles plus tard le nom
des Bathory mêlé à une sinistre histoire plus ou moins vampirique ?
Cela dit, le 8 novembre 1476, Târgoviste, le centre
principal de la principauté, tombait aux mains de Vlad, et le 16 novembre, la
citadelle qui deviendra ensuite Bucarest, et qui était le refuge de Radu, fut
investie par les coalisés. L’archevêque de Curtea s’empressa de couronner Vlad
Dracula, illustre héritier d’une noble famille et possesseur d’un titre
incomparable, prince de Valachie. Cependant, les termes du contrat qui liait le
voevod à ses alliés stipulaient que l’action de ceux-ci se bornait là. Les
contingents hongrois, transylvains et moldaves se retirèrent : leur
mission était terminée. Vlad l’Empaleur se retrouvait quasiment seul, avec une
troupe très réduite de fidèles, en proie à l’hostilité des chrétiens orthodoxes
qui lui reprochaient d’avoir abandonné sa foi au profit du catholicisme romain.
Son deuxième règne fut bien fragile et se termina tragiquement quelques mois
plus tard, en 1477, probablement sous les murs de
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