L'énigme des vampires
s’intercalent des anecdotes
destinées à démontrer la cruauté du personnage. On voit donc Vlad l’Empaleur
assassiner ceux qui le gênent, brûler des châteaux et des villages entiers en
Transylvanie, empaler hommes, femmes et enfants, emprisonner des charretiers et
des marchands avant de les faire empaler lors d’une fête. Des détails sont
particulièrement horribles : « Il ordonna à ses soldats d’enterrer
jusqu’au nombril un homme nu et de décocher des flèches sur lui ; il fit
rôtir d’autres hommes et en dépeça vifs certains. » Ou encore :
« Il fit faire une grande marmite avec deux anses et au-dessus un
échafaudage avec un plancher où il fit faire des trous, de façon qu’un homme pouvait
tomber de tête, à travers. Puis il fit allumer un grand feu au-dessous de tout
et remplir la marmite d’eau. Et il fit bouillir des hommes de cette façon. »
Ailleurs, « il fit hacher menu comme chou des hommes ». Si l’on en
croit cette chronique – et bien d’autres ! – Vlad Tepes avait bien mérité
son surnom : son comportement est en tous points digne du sadisme le plus
authentique et le plus caractéristique.
Ce sadisme qui, après tout, est souvent la marque des grands
conquérants dont l’histoire nous a laissé le souvenir (la guerre n’est qu’une « boucherie »
qu’on peut qualifier d’héroïque !), prend cependant des allures très
perverses chez Vlad l’Empaleur et témoigne d’une sexualité aberrante. « Il
empala des mères et des nourrissons et il empala des enfants de un an ou de
deux ans et plus. Il arracha des enfants du sein de leur mère et des mères à
leurs enfants. Il fit couper les seins de la mère, poussa dessus la tête des
enfants et les fit empaler. » « Une fois, il eut une maîtresse qui
lui annonça être enceinte ; il la fit examiner par une autre femme qui ne
put comprendre comment elle pouvait être grosse. Alors, il prit sa maîtresse et
l’éventra depuis la poitrine et il dit : Que le monde voie où j’ai pénétré
et où repose mon fruit. » « Une fois, il fit rôtir de jeunes enfants
et força leurs mères à les manger. Il coupa les seins des femmes et obligea les
maris à les manger. Puis il empala les hommes. » On comprend dès lors
comment le personnage historique de Vlad Tepes a pu devenir le vampire Dracula.
D’autres récits médiévaux, russes ceux-là, ne sont pas moins
explicites. Et la référence au Diable n’en apparaît que plus nette :
« Il vivait dans les terres de Valachie un prince de foi orthodoxe
byzantin qu’on appelait Dracula en valaque, ce qui veut dire, dans notre langue,
le Diable, car il se montrait aussi intelligent dans sa cruauté que le disait
son nom et toute sa vie il en fut de même [42] . » On le présente
recevant des ambassadeurs du sultan. Selon leur coutume, les ambassadeurs
restèrent couverts de leurs bonnets devant lui. Vlad « donna ordre de
clouer leur coiffure à leur tête à l’aide de petits clous de fer. Un jour, après
une bataille, il passa en revue ses troupes. Il félicita ceux qui avaient reçu
une blessure par-devant, mais il ordonna « d’empaler par le fondement »
ceux qui étaient blessés dans le dos, leur disant qu’ils n’étaient pas des
hommes, mais des femmes. Et, curieusement, toutes ces atrocités sont présentées
comme la conséquence de la vertu de Vlad Dracula : il ne tolère pas la malhonnêteté
dans ses États et se pose en grand inquisiteur chargé de veiller aux « bonnes
mœurs ». Ainsi, « si une femme prenait son plaisir avec un homme
autre que son mari, Dracula lui faisait couper le vagin et l’écorchait vive, puis
il suspendait la peau à un poteau au milieu de la ville, sur la place même du
marché. Il agissait de même à l’égard des jeunes filles qui ne gardaient pas
leur virginité jusqu’au mariage, et aussi des veuves qui prenaient un amant. Dans
certains cas, il coupait les mamelons des seins ; dans d’autres, il
écorchait le sexe puis y enfonçait un tisonnier chauffé au rouge, si
profondément que la tige de fer ressortait par la bouche ».
En dehors de ces documents allemands et russes qui sont à
peu près contemporains de Vlad Tepes, il existe, on s’en doute, d’innombrables
contes et récits oraux provenant de Roumanie même, sur le théâtre des exploits
de l’Empaleur. Et tous ces témoignages insistent sur l’ honnêteté de Dracula : « Il régnait jadis
en Valachie un prince
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