L'énigme des vampires
Bucarest.
Mais c’est là où la légende se mêle étroitement à l’histoire :
on ne sait pas exactement quelles furent les circonstances de la mort de Vlad
Dracula. On a dit qu’il périt au cours d’un combat contre les Turcs : s’étant
trouvé isolé au milieu de ses ennemis, il se serait revêtu d’un manteau turc et
coiffé d’un turban, et aurait péri de la main de ses propres partisans ne l’ayant
pas reconnu sous son déguisement. Une autre version prétend qu’il serait
paisiblement mort dans son lit après avoir obtenu la victoire contre tous ses
ennemis. Il avait atteint l’âge de quarante-sept ans.
Certaines archives, d’ailleurs fort suspectes, indiquent qu’après
sa mort, les fidèles de Vlad Dracula l’étendirent sur un grand bouclier,
« selon une antique coutume païenne ». À travers les forêts, ils l’auraient
ramené, au son des tambours, vers le château plus ou moins légendaire de
Torberg. Tout cela paraît invraisemblable. Il est à peu près certain que ce
sont les moines de l’abbaye de Snagov qui recueillirent le corps du voevod et
qui l’ensevelirent clandestinement sous une dalle anonyme, parce qu’ils avaient
peur de représailles de la part de ses ennemis. Snagov est une île d’environ
mille mètres de long sur huit cents de large, au milieu d’un des nombreux lacs
qui entourent Bucarest. Mais cela n’empêche nullement la tradition de rapporter
qu’à la mort de l’Empaleur, un orage d’une violence extraordinaire aurait
ravagé le monastère, en particulier l’une de ses trois chapelles. La mort d’un
héros, fût-il sulfureux, est toujours entourée de prodiges… Quoi qu’il en soit,
la tombe de Vlad Dracula, malgré les vicissitudes qu’eut à subir le monastère
de Snagov au cours des siècles, passait pour être réellement dans l’une des
chapelles qui avaient résisté à l’ouragan. Et, en 1931, lorsque, sous les
auspices du gouvernement roumain, et au cours de la restauration du monastère, on
procéda à des fouilles systématiques, on s’aperçut avec quelque stupéfaction
que la tombe de Vlad IV Tepes Dracula était vide…
Il y a des faits étranges dans toute cette histoire. Car si,
de son vivant, Vlad l’Empaleur passait pour un monstre, il le devint encore
plus dans l’imaginaire au fur et à mesure que les années passaient. On parla d’un
« roi perdu » qui reviendrait un jour reprendre le flambeau de la
révolte et réunifier les principautés de Roumanie, un peu à la manière du roi
Arthur en dormition dans l’île d’Avalon. On
prétendit aussi que ses restes avaient été déplacés au XVIII e siècle pour éviter qu’ils ne fussent profanés
et qu’ils furent inhumés près du porche de la chapelle. Mais des moines précisaient
que le corps de Vlad l’Empaleur, être maudit et mort sous le coup d’une
excommunication, avait été jeté dans un lac, les eaux de ce lac étant depuis l’objet
d’une malédiction. Et ainsi de suite… On a même affirmé que le cadavre de Vlad
portait encore au cou un collier portant une figurine en forme de dragon. Cela
n’aurait rien d’anormal, vu l’appartenance de Vlad IV à l’Ordre du Dragon.
Mais on ajoute que ce collier, déposé dans un musée de Bucarest, aurait
mystérieusement disparu. Bref, y a là tous les ingrédients nécessaires pour
faire du voevod Vlad IV un personnage fantastique que le Dracula de Bram
Stoker incarne à la perfection.
Si la fin de Vlad et le sort de son cadavre sont brouillés par
les fumées malsaines d’une certaine tradition vampirique, il n’en est pas de
même des anecdotes, parfois très anciennes, qui le concernent dans son
comportement sanguinaire et qui n’ont cessé de circuler depuis le XV e siècle, tant en Roumanie et en Hongrie qu’en
Allemagne même. Et si certaines de ces anecdotes, rapportées dans de nombreux
manuscrits et documents par ailleurs authentiques, sont manifestement exagérées,
tout semble démontrer que Vlad IV Dracula, dit l’Empaleur, était un
personnage de réputation parfaitement sinistre.
Un récit allemand du XV e siècle,
probablement rédigé une dizaine d’années après la mort de Vlad Tepes, et
conservé dans un manuscrit du monastère de Saint-Gall [41] ,
est assez significatif de la vision qu’avaient de Dracula les populations d’Europe
orientale, encore sous le coup de ses exploits sanguinaires. C’est une sorte de
résumé de sa vie politique et militaire où
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