L'énigme des vampires
pas. Il semble bien que
dans l’imaginaire occidental, le vampire ait remplacé la sorcière diabolique à
laquelle on ne croyait plus. Les mythes ont ceci d’étrange, et en fait de commun avec les vampires : une
fois qu’ils sont morts, ils renaissent sous une autre forme, et, à chaque fois,
l’imaginaire humain leur fournit le sang nouveau dont ils ont besoin pour
survivre et s’épanouir.
Car il s’agit de mythes, et toute recherche sur le vampire
doit s’en tenir à la « mythologie », au sens large du terme. C’est
pourquoi il importe de négliger les « faux vampires », autrement dit
les personnages réels qui, défrayant la chronique à différentes époques, ont
été improprement et abusivement affublés du nom de vampires. C’est le cas de
certains criminels célèbres, comme le « Vampire » de Düsseldorf, Peter
Kürten, dans les années 30. Coupable de plus d’une soixantaine d’actes criminels,
meurtres, tentatives de meurtres, viols, tentatives de viols, attaques à main
armée, incendies volontaires, Peter Kürten, bien qu’il fût attiré par le sang
humain, n’était qu’un sadique, un pervers sexuel allant jusqu’au bout de ses
monstrueux fantasmes. Mais cet être humain, parfaitement vivant, n’avait rien
de commun avec l’image du mort-vivant qui quitte sa tombe pour s’abreuver du
sang nécessaire au prolongement de son existence ambiguë. C’est aussi le cas de
certains nécrophiles, comme le fameux sergent Bertrand qui, au XIX e siècle, hantait les cimetières, déterrait des
cadavres de femmes pour pratiquer d’ignobles copulations. Ce n’était pas un
assassin, puisqu’il n’avait pas l’occasion de tuer ses victimes, mais lui aussi
était un homme parfaitement vivant, cherchant à satisfaire ses pulsions
sexuelles aberrantes. On pourrait en dire autant des « nécrophages »
qui se bornent à trouver un plaisir de gourmet à dévorer de la chair humaine. Ce
n’est que de l’anthropophagie et non pas du vampirisme. Mais l’opinion publique
a vite fait de mêler les données et de cristalliser en un seul personnage les
relents les plus louches qui stagnent, qu’on le veuille ou non, dans les
bas-fonds de l’inconscient humain.
Deux cas historiques sont cependant susceptibles d’apporter
quelques lumières sur le mythe du vampire : Gilles de Rais, maréchal de
France et compagnon de Jeanne d’Arc, et la comtesse hongroise Erzébeth Bathory.
Mais Gilles de Rais, tout mystérieux qu’il puisse demeurer au regard de l’histoire,
n’est au fond qu’un pédophile sadique en même temps qu’un chercheur de pierre
philosophale complètement dévoyé, pour lequel le sang des jeunes garçons
pouvait conduire à la connaissance des secrets de la vie. Ce ne sont pas là les
caractéristiques prêtées aux vampires. Quant à la comtesse Bathory, elle mérite
une plus grande attention : le fait que cette femme cherchait à maintenir
sa jeunesse et sa beauté grâce au sang des jeunes filles qu’elle sacrifiait
avec une indéniable cruauté, signe d’un sadisme d’origine sexuelle, apparente
ses crimes à une certaine forme de vampirisme. Elle est sans doute le seul
exemple connu de vampire réel au milieu de toute cette galerie de monstres
sanguinaires.
Les faux vampires étant ainsi écartés, il reste les vrais vampires
qui sont, on s’en doute, des personnages issus de l’univers fantasmatique de l’humanité.
Mais les mythes recouvrent toujours une certaine réalité, ne serait-ce qu’une
réalité de la conscience. Et, de plus, les mythes peuvent s’incarner dans des
personnages historiques, ou encore acquérir leur aspect concret en s’appuyant
sur les caractéristiques de tel ou tel individu remarquable par son action. C’est
ainsi que le Dracula de Bram Stoker, donc l’image la plus classique du vampire,
a été incontestablement bâti sur le modèle d’un tyran roumain du XV e siècle, Vlad Tepes, c’est-à-dire « Vlad
l’Empaleur », fils d’un certain Dracul , et
affublé lui aussi de l’épithète de Dracula . Certes,
il ne reste pas grand-chose du voevod Vlad
Tepes dans le sinistre héros de Stoker, mais il faut savoir qu’il en est le
prolongement sur le plan mythique. Car, dans la tradition populaire de l’Europe
orientale, et en particulier en Transylvanie, l’opinion courante était, depuis
des siècles, que Vlad Tepes était un mort-vivant qui avait quitté sa tombe et
qui rôdait la nuit, en tant que
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