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L'ennemi de Dieu

L'ennemi de Dieu

Titel: L'ennemi de Dieu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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aujourd’hui ?
    — Trente-trois
ans, je crois.
    — Si
vieux que ça ! s’exclama Ceinwyn en m’adressant un sourire, car je n’avais
qu’un an de moins. Mais qu’est devenue Ade ?
    — Elle
lui a donné un fils et elle est morte en couches.
    — Non !
lâcha Ceinwyn, bouleversée par l’affreuse nouvelle. Et tu dis qu’il a un fils ?
    — Un
bâtard, fit Galahad d’un air de reproche. Il s’appelle Peredur. Il a quatre ans
maintenant, et ce n’est pas un méchant petit garçon. En vérité, je l’aime
assez.
    — As-tu
jamais détesté un enfant ? demandai-je avec une pointe d’ironie.
    — Tête de
balais », répondit-il. Ce vieux sobriquet nous fit tous sourire.
    « Lancelot,
un fils ! » s’exclama Ceinwyn sur ce ton de surprise qui marque l’importance
que les femmes attachent à ce genre de nouvelles. Pour moi, l’existence d’un
bâtard royal de plus était tout ce qu’il y avait de plus ordinaire, mais j’observe
que les hommes et les femmes réagissent de manière bien différente à ces
choses.
    Comme son
frère, Galahad ne s’était jamais marié. Il n’avait pas non plus de terre, mais
il était heureux et jouait les émissaires au service d’Arthur. Il s’efforçait
de maintenir en vie la Confrérie de Bretagne, même si je constatais qu’on avait
tôt fait d’oublier ses devoirs, et il parcourait tous les royaumes bretons, portant
des messages, réglant des conflits et usant de son rang royal pour aplanir tous
les problèmes que pouvait avoir la Dumnonie avec les autres États. C’était
généralement lui qui se rendait en Démétie pour freiner les raids d’Œngus Mac
Airem sur Powys et c’est encore lui qui, après la mort de Tristan, porta la
triste nouvelle du destin d’Iseult à son père. Je ne devais le revoir que de
longs mois après.
    J’évitai aussi
de revoir Arthur. Je lui en voulais trop. Je laissais ses lettres sans réponse
et ne me rendais plus aux réunions du Conseil. Dans les mois qui suivirent la
mort de Tristan, il se rendit à Lindinis à deux reprises : les deux fois,
je restai poli mais froid et le quittai au plus vite. Il eut une longue
discussion avec Ceinwyn, qui s’efforça ensuite de nous réconcilier, mais je n’arrivais
pas à me sortir de la tête l’image de cette enfant dévorée par les flammes.
    Pour autant,
je ne pouvais l’ignorer complètement. Quelques mois seulement nous séparaient
désormais de la seconde acclamation de Mordred et il fallait s’occuper des préparatifs.
La cérémonie aurait lieu à Caer Cadarn, à une courte marche de Lindinis. Et
Ceinwyn et moi ne pouvions faire autrement que d’y participer. Mordred lui-même
s’y intéressa, peut-être parce qu’il comprit que la cérémonie le libérerait
enfin de toute discipline. « C’est à vous de décider, lui dis-je un jour,
qui vous acclamera.
    — Arthur,
n’est-ce pas ? demanda-t-il d’un air renfrogné.
    — C’est
généralement un druide, mais si vous préférez une cérémonie chrétienne, vous
devez choisir entre Emrys et Sansum.
    — Sansum,
je suppose, dit-il en haussant les épaules.
    — En ce
cas, nous devrions aller le voir. »
    Nous y allâmes
par une rude journée, au cœur de l’hiver. J’avais d’autres affaires à régler à
Ynys Wydryn, mais je commençai par accompagner Mordred au sanctuaire chrétien
où un prêtre nous expliqua qu’il nous fallait patienter car l’évêque Sansum
était occupé à dire la messe.
    « Sait-il
que son roi est ici ? demandai-je.
    — Je m’en
vais le lui dire, Seigneur », répondit le prêtre, qui fila en quatrième
vitesse sur le sol gelé.
    Mordred s’était
éloigné pour se poster devant la tombe de sa mère où, malgré le froid, une
douzaine de pèlerins étaient agenouillés. C’était une tombe toute simple :
rien qu’un monticule de terre avec une croix de pierre un peu ridicule en
comparaison de l’urne de plomb que Sansum avait placée pour recevoir l’offrande
des pèlerins.
    « L’évêque
nous rejoindra bientôt, dis-je. Si nous l’attendions à l’intérieur ? »
    Il hocha la
tête et fronça les sourcils devant le petit monticule herbeux : « On
devrait lui donner une meilleure tombe.
    — J’en
suis bien d’accord, dis-je, tout surpris de l’entendre parler. Libre à vous de
la construire.
    — Il eût
mieux valu, dit-il insidieusement, que d’autres lui rendent cette marque de
respect.
    — Seigneur
Roi, dis-je, nous étions si

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