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L'ennemi de Dieu

L'ennemi de Dieu

Titel: L'ennemi de Dieu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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occupés à défendre la vie de son enfant que nous n’avions
guère le temps de nous occuper des os. Mais vous avez raison et nous avons
manqué à nos devoirs. »
    D’un air
morose, il donna un coup de pied à l’urne et jeta un œil sur les menus trésors
qu’y avaient laissés les pèlerins. Ceux qui priaient devant la tombe s’écartèrent,
non par crainte de Mordred, car je doute qu’ils l’aient reconnu, mais parce que
l’amulette de fer que je portais autour du cou trahissait en moi le païen. « Pourquoi
a-t-elle été enterrée ? me demanda soudain Mordred. Pourquoi ne l’a-t-on
pas brûlée ?
    — Parce
qu’elle était chrétienne », répondis-je, tout en essayant de lui cacher
combien son ignorance m’horrifiait. Je lui expliquai que, selon les chrétiens,
leur corps servirait de nouveau au dernier avènement du Christ. Quant à nous,
les païens, nous emportions nos nouveaux corps spectraux dans les Enfers et n’avions
que faire de nos cadavres : si nous le pouvions, nous les brûlions pour
empêcher nos esprits d’errer sur la terre. Si nous ne pouvions dresser un
bûcher funéraire, nous brûlions les cheveux du mort et lui coupions un pied.
    « Je lui
ferai un caveau », déclara-t-il quand j’eus fini mon explication
théologique. Il me demanda comment sa mère était morte et je lui racontai toute
l’histoire : comment Gundleus avait traîtreusement épousé Norwenna, puis l’avait
tuée alors qu’elle s’agenouillait devant lui. Et je lui racontai aussi comment
Nimue s’était vengée de Gundleus.
    « Cette
sorcière ! » fit Mordred, car de jour en jour elle était plus
farouche, plus décharnée et plus crasseuse. Elle menait une vie de recluse
désormais, vivotant des restes de l’enceinte de Merlin où elle chantait ses
charmes, allumait des feux à ses dieux et recevait quelques visiteurs, mais de
temps à autre, sans se faire annoncer, elle se rendait à Lindinis pour
consulter Merlin. Je profitais de ces rares occasions pour essayer de la faire
manger, les enfants la fuyaient, et elle s’en repartait en marmonnant avec son œil
fou, sa robe crottée de boue et de cendres et sa natte noire chargée de
détritus. Au pied de son refuge du Tor, force lui avait été de voir le
sanctuaire chrétien s’agrandir, se renforcer et s’organiser de manière toujours
plus forte. Les anciens dieux, me disais-je, perdaient du terrain à vue d’œil.
Sansum, naturellement, attendait impatiemment la mort de Merlin afin de
récupérer le Tor et de bâtir une église sur son sommet ravagé par le feu. Mais
ce que Sansum ne savait pas, c’est que toute la terre de Merlin devait me
revenir.
    Debout à côté
de la tombe de sa mère, Mordred s’interrogeait sur la similitude de nom entre
ma fille aînée et sa mère, et je lui expliquai donc que Ceinwyn était la
cousine de Norwenna. « Morwenna et Norwenna sont de vieux noms au Powys,
expliquai-je.
    — M’aimait-elle ? »
demanda Mordred, et l’incongruité de ce mot dans sa bouche me fit m’arrêter.
Peut-être, pensais-je, Arthur avait-il raison. Peut-être que Mordred allait
mûrir à la faveur de ses nouvelles responsabilités. Aussi loin que je remontais
dans mes souvenirs, je n’avais assurément jamais eu une discussion aussi
courtoise.
    « Elle
vous aimait beaucoup, répondis-je avec sincérité. Jamais je n’ai vu votre mère
aussi heureuse que lorsqu’elle était avec vous. C’était là-haut », fis-je
en montrant du doigt la terre brûlée où se dressaient jadis la salle de Merlin
et sa tour de rêves. C’était là que Norwenna avait été assassinée et que Mordred
lui avait été arraché. Il n’était qu’un bébé alors, encore plus petit que moi
quand on m’avait arraché aux bras de ma mère, Erce. Erce vivait-elle encore ?
Je n’étais toujours pas allé en Silurie pour la retrouver. Me sentant coupable
de l’avoir ainsi négligée, je touchai l’amulette de fer.
    « Quand
je mourrai, reprit Mordred, je veux être enterré dans la même tombe que ma
mère. Et je la bâtirai moi-même. Un caveau de pierre, déclara-t-il, avec nos
corps sur un piédestal.
    — Vous
devez en parler à l’évêque. Je suis sûr qu’il se fera un plaisir de vous aider. »
Du moment, pensais-je avec cynisme, qu’on ne lui demande pas de payer le
sépulcre.
    Entendant
Sansum courir sur l’herbe, je me retournai. Il s’inclina vers Mordred, puis me
souhaita la bienvenue dans le sanctuaire :

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