L'ennemi de Dieu
beau casque
bordé d’or et orné d’un dragon rouge émaillé. Arthur lui donna une cotte d’écailles,
une lance et un coffret d’ivoire plein de pièces d’or. Cuneglas lui offrit des
lingots d’or des mines du Powys, Lancelot une croix en or massif et un petit
miroir en électrum dans son cadre d’or. Œngus déposa à ses pieds deux grosses
fourrures d’ours, tandis que Sagramor ajouta à la pile une tête de taureau
saxonne dorée. Sansum présenta au roi un morceau de la croix, annonça-t-il haut
et fort, sur laquelle le Christ avait été crucifié. Le petit bout de bois foncé
était enfermé dans une flasque de verre romaine scellée à l’or. Culhwch fut le
seul à ne rien offrir. De fait, lorsque les cadeaux furent remis et que les
seigneurs s’agenouillèrent devant le roi pour lui jurer fidélité, il avait
disparu. Je fus le deuxième à prêter serment, succédant à Arthur auprès de la
Pierre royale : m’agenouillant face au monceau d’or scintillant, je posai
les lèvres sur la pointe de la nouvelle épée de Mordred et jurai de le servir
fidèlement jusqu’à la mort. Ce fut un instant solennel, car c’était le serment
royal, celui qui prime sur tous les autres.
Il n’y eut qu’une
seule innovation au cours de cette acclamation : un rituel qu’Arthur avait
imaginé afin de prolonger la paix qu’il avait si soigneusement construite et
fait respecter au fil des ans. La nouvelle cérémonie fut en effet un
prolongement de sa Confrérie de Bretagne, car il avait persuadé les rois de
Bretagne, tout au moins les rois présents, d’échanger un baiser avec Mordred et
de faire le serment de ne pas s’entre-tuer. Mordred, Meurig, Cuneglas, Byrthig,
Œngus et Lancelot, tous s’embrassèrent, touchant la lame de leurs épées et
jurant de préserver la paix. Arthur rayonnait et Œngus Mac Airem, la plus belle
brute qui fût jamais, m’adressa un clin d’œil appuyé. Dès la saison des
moissons, je le savais, ses lanciers oublieraient ses serments pour recommencer
leurs razzias sur les greniers du Powys.
Le serment
royal terminé, j’accomplis le dernier acte de l’acclamation. Je commençai par
tendre ma main gantée à Mordred pour l’aider à descendre puis, lorsque je l’eus
conduit à la pierre la plus au nord du cercle, je pris son épée royale et posai
sa lame à plat sur la Pierre royale. Elle était là, scintillante. Une épée sur
une pierre : le vrai signe d’un roi. Puis je fis mon devoir de champion en
parcourant le cercle et en crachant vers les spectateurs, les mettant au défi d’oser
nier à Mordred ap Mordred ap Uther le droit d’être le roi de ce pays. J’adressai
au passage un clin d’œil à mes filles, fis en sorte que mon crachat retombât
sur les robes étincelantes de Sansum tout en prenant grand soin d’épargner la
robe brodée de Guenièvre. « Mordred ap Mordred ap Uther est roi,
répétai-je à chaque fois, et si un homme le conteste, qu’il me combatte séance
tenante. » Je marchais d’un pas lent, Hywelbane à la main, lançant mon
défi à voix haute : « Mordred ap Mordred ap Uther est roi, et si un
homme le conteste, qu’il me combatte séance tenante. »
J’avais
presque terminé lorsque j’entendis le frottement d’une lame qu’on sort du
fourreau. « Je le conteste ! » cria une voix, aussitôt suivie de
hoquets de terreur dans la foule. Ceinwyn pâlit et mes filles, déjà terrifiées
de me voir avec ma queue de loup dans cet accoutrement peu ordinaire de fer, d’acier
et de cuir, enfouirent leur visage dans sa jupe.
Me retournant
lentement, je vis que Culhwch avait regagné le cercle et me faisait maintenant
face avec sa grande épée de guerre. « Non, lui lançai-je, je t’en prie. »
D’un air
menaçant, Culhwch se dirigea vers le centre du cercle et s’empara de l’épée
royale à la garde d’or. « Je conteste ce droit à Mordred ap Mordred ap Uther,
reprit Culhwch d’un ton solennel avant de lancer la lame sur l’herbe.
— Tue-le,
cria Mordred posté à côté d’Arthur. Fais ton devoir, Seigneur Derfel !
— Je
conteste qu’il soit apte à régner ! » tonna Culhwch à l’adresse de l’assemblée.
Un coup de vent fit voleter les étendards et souleva la chevelure dorée de
Ceinwyn.
« Je t’ordonne
de le tuer ! » fit Mordred tout excité.
J’avançai dans
le cercle pour faire face à Culhwch. Mon devoir était maintenant de le
combattre. S’il me tuait, un autre
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