L'ennemi de Dieu
absentez ?
— Non,
Seigneur Roi, mais Ligessac doit être un vieil homme aujourd’hui et il n’y aura
pas besoin de deux bandes de guerre pour le capturer. »
Le roi tapa du
poing sur la table. « Après le meurtre de ma mère, reprocha-t-il à Arthur,
vous l’avez laissé échapper. À Lugg Vale, Seigneur Arthur, vous l’avez de
nouveau laissé échapper. Vous me devez la vie de Ligessac. »
Face à cette
accusation, Arthur se raidit un moment, puis inclina la tête pour reconnaître l’obligation.
« Mais Derfel, reprit-il, n’y est pour rien. »
Mordred me
jeta un coup d’œil. Il m’en voulait encore de toutes les raclées que je lui
avais administrées, mais j’espérais que les coups qu’il m’avait donnés lors de
son acclamation et le triomphe mesquin qu’il avait remporté en nous expulsant
de Lindinis avaient assouvi sa soif de revanche. « Seigneur Derfel, dit-il
comme toujours d’un ton railleur, connaît le traître. Qui d’autre le
reconnaîtrait ? Je veux que vous y alliez tous les deux. Et il n’est pas
nécessaire que vous preniez la route avec vos deux bandes de guerre,
précisa-t-il, revenant maintenant à l’objection d’Arthur. Quelques hommes
suffiront. » Il devait être un peu gêné de donner des conseils militaires
de ce genre à Arthur car il avala les derniers mots et jeta un regard sournois
aux autres conseillers avant de retrouver le peu d’aplomb qu’il possédait :
« Je veux Ligessac ici avant Samain, et je le veux ici vivant. »
Quand un roi
insiste, les hommes obéissent. Arthur et moi partîmes dans le nord avec trente
hommes chacun. Aucun de nous ne pensait que nous en aurions besoin de tant,
mais cette longue marche était une bonne occasion de donner de l’exercice à des
hommes sous-employés. Mes trente autres lanciers restèrent sur place afin de
protéger Ceinwyn, tandis que les autres hommes d’Arthur restèrent à Durnovarie
ou s’en allèrent épauler Sagramor qui gardait encore la frontière nord avec les
Saxons. Leurs habituelles bandes de guerre continuaient à écumer la frontière :
ils ne cherchaient pas à nous envahir, mais s’efforçaient de mettre la main sur
du bétail et des esclaves comme ils n’avaient cessé de le faire tout au long
des années de paix. Nous leur rendions la pareille, mais les deux camps prenaient
grand soin de ne pas laisser ces incursions dégénérer en guerre à grande
échelle. La paix de fortune que nous avions forgée à Londres s’était révélée
étonnamment durable, même si la paix ne régnait guère entre Aelle et Cerdic.
Leurs escarmouches les avaient conduits dans une impasse pour notre plus grande
tranquillité. En vérité, nous nous étions habitués à la paix.
Mes hommes
marchèrent dans le nord tandis qu’Arthur menait leurs chevaux sur les bonnes
voies romaines qui nous conduisirent d’abord au Gwent, le royaume de Meurig. Le
roi organisa à contrecœur un banquet, où les prêtres étaient plus nombreux que
nos hommes, puis nous fîmes un détour par la vallée de la Wye pour voir le
vieux Tewdric, que nous trouvâmes dans une modeste cabane de chaume moitié
moins grande que la salle dans laquelle il conservait ses parchemins chrétiens.
Son épouse, la reine Enid, grommelait contre le sort qui l’avait conduite des
palais du Gwent dans ces bois infestés de souris, mais le vieux roi était
heureux. Il était entré dans les ordres et ignorait allègrement les reproches
de sa femme. Il nous offrit un repas de haricots, de pain et d’eau, et se
réjouit en apprenant la propagation du christianisme en Dumnonie. Nous l’interrogeâmes
sur les prophéties qui annonçaient le retour du Christ dans quatre ans, et
Tewdric répondit qu’elles étaient vraies, même s’il subodorait qu’il était
beaucoup plus probable que le Christ attendît encore un millier d’années avant
de revenir dans sa gloire : « Mais qui sait ? Il est possible qu’il
vienne dans quatre ans. Quelle glorieuse pensée !
— Je
souhaite juste que vos frères chrétiens se contentent de l’attendre en paix.
— Leur
devoir est de préparer la terre pour Sa venue, répondit sèchement Tewdric. Ils
doivent faire des convertis, Seigneur Arthur, et purifier le pays du péché.
— S’ils
ne font pas attention, grommela Arthur, ils déclencheront une guerre entre eux
et nous. »
Il raconta à
Tewdric les émeutes qui secouaient toutes les villes de Dumnonie quand les
chrétiens
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