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L'ennemi de Dieu

L'ennemi de Dieu

Titel: L'ennemi de Dieu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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sous
les marais et des goules qui s’insinuaient à travers ses vallées de boue. Il
portait un collier de vertèbres d’un noyé : le seul charme sûr,
affirmait-il, contre ces choses redoutables qui hantaient notre sentier.
    J’avais l’impression
de piétiner sur place, mais ce n’était que mon impatience et, mètre après
mètre, accul après accul, nous nous rapprochions et, la grande colline
paraissant de plus en plus haute dans le ciel de nuages déchiquetés, nous
aperçûmes une lueur à son pied : un grand feu qui nous fit croire d’abord
que la Sainte-Épine était la proie des flammes. Mais comme celles-ci ne
paraissaient pas plus vives à mesure que nous approchions, je me dis qu’il
devait s’agir de brasiers allumés pour quelque rite chrétien censé protéger le
sanctuaire. Comme un seul homme, nous fîmes tous le signe contre le mal avant
de mettre le pied sur la digue qui menait droit des marécages aux terres hautes
d’Ynys Wydryn.
    Notre guide
nous laissa là. Il préférait les dangers des marais aux périls d’Ynys Wydryn en
flammes. Il s’agenouilla devant moi et je le récompensai de mon dernier lingot
d’or, puis lui fis signe de se relever et le remerciai.
    Nous
traversâmes tous les six le petit village de pêcheurs et de vanniers. Les
maisons étaient plongées dans l’obscurité, et les allées désertées, hormis par
les rats et les chiens. Nous nous dirigions vers la palissade de bois qui
entourait le sanctuaire, et, si nous apercevions les panaches de fumée qui s’élevaient
en tourbillonnant, nous n’avions encore aucune idée de ce qui se tramait à l’intérieur.
Notre chemin passait devant l’entrée principale du sanctuaire ; en nous
approchant, je vis que deux lanciers montaient la garde à l’entrée. Le feu qu’on
entrevoyait par la porte ouverte éclairait l’un de leurs boucliers : et
sur ce bouclier, je reconnus le dernier symbole que je m’attendais à voir ici.
Le pygargue de Lancelot, tenant un poisson dans ses serres.
    Quant à nous,
nous portions nos boucliers sur le dos, si bien que leurs étoiles blanches
étaient invisibles, et alors même que nous arborions la queue de loup grise les
lanciers durent nous prendre pour des amis car ils ne nous lancèrent aucun défi
en nous voyant approcher. Pensant que nous voulions entrer dans le sanctuaire,
ils s’écartèrent. Et ce n’est que lorsque je fus à demi engagé dans l’entrée,
curieux du rôle de Lancelot dans les étranges événements de la nuit, que les
deux hommes comprirent que nous n’étions pas des leurs. L’un d’eux prétendit me
barrer le passage avec sa lance : « Qui va là ? »
    J’écartai sa
lance puis, sans lui laisser le temps de sonner l’alarme, je l’attirai vers la
porte tandis qu’Issa entraînait son camarade. Une foule immense se pressait à l’intérieur
du sanctuaire, mais tous nous tournaient le dos et aucun ne vit l’algarade. Ils
n’entendirent rien non plus, car la foule des fidèles chantait et psalmodiait,
et leur babil confus étouffa le bruit discret de notre échauffourée. J’entraînai
mon prisonnier dans l’ombre, au bord de la route, où je m’agenouillai à côté de
lui. J’avais abandonné ma lance et je sortis alors le petit couteau que je
portais à la ceinture : « Tu es un homme de Lancelot ?
    — Oui,
fit-il d’une voix sifflante.
    — Alors
que faites-vous ici ? C’est le pays de Mordred.
    — Le roi
Mordred est mort », répondit-il effrayé par la lame blanche que je tenais
sur sa gorge. Je ne dis mot, car sa réponse me laissa tellement stupéfait que
je ne trouvai rien à dire. L’homme dut croire que mon silence présageait sa
mort car il prit un air désespéré :
    « Ils
sont tous morts !
    — Qui ?
    — Mordred,
Arthur, tous. »
    L’espace de
quelques secondes, j’eus l’impression que mon univers vacillait sur ses
fondations. L’homme se débattit brièvement, mais la pression de mon couteau le
calma.
    « Comment ?
    — Je ne
sais pas.
    — Comment ?
repris-je d’une grosse voix.
    — Nous n’en
savons rien ! Mordred est mort avant que nous arrivions et le bruit court
qu’Arthur a trouvé la mort au Powys. »
    Je reculai,
faisant signe à l’un de mes hommes de tenir les deux captifs en respect avec la
pointe de sa lance. Puis j’essayai de calculer combien d’heures s’étaient
écoulées depuis la dernière fois que j’avais vu Arthur. Il ne s’était passé que
quelques

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