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L'ennemi de Dieu

L'ennemi de Dieu

Titel: L'ennemi de Dieu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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l’ont emporté.
    — J’ai
survécu, mère. »
    Elle me
révulsait en même temps qu’elle me fascinait, et je regrettais d’être parti à
sa recherche. « J’ai survécu à la fosse et je me souviens de toi. »
Et c’était vrai, mais dans ma mémoire, elle était aussi mince et souple que
Ceinwyn.
    « Rien qu’un
petit garçon », fit-elle d’un air songeur. Elle ferma les yeux. Je crus qu’elle
dormait, mais apparemment elle pissait, car un filet d’urine goutta au bord de
ses jupes pour dégouliner sur le rocher qui surplombait le feu déchaîné.
    « Parle-moi
de Wygga.
    — Lorsque
Uther m’a capturée, j’étais enceinte. Un grand gaillard, cet Uther, avec un
gros dragon sur son bouclier. » Elle se gratta pour chasser le pou, qui
disparut dans ses cheveux. « Il m’a donnée à Madog, poursuivit-elle, et c’est
sur la propriété de ce dernier que Wygga est né. Nous étions heureux chez lui.
C’était un bon seigneur, gentil avec ses esclaves, mais Gundleus est venu et
ils ont tué Wygga.
    — Ce n’est
pas vrai. Tanaburs ne te l’a pas dit ? »
    Le nom du
druide la fit frissonner, et elle tira son châle en lambeaux sur ses larges
épaules. Elle ne dit mot, mais au bout de quelques instants des larmes
perlèrent au coin de ses yeux.
    Une femme
grimpait sur le sentier. Elle avançait d’un pas lent, visiblement méfiante.
Elle me dévisagea d’un air circonspect en se glissant sur la plate-forme
rocheuse. Quand enfin elle se sentit en sécurité, elle fila devant moi pour
aller se blottir à côté d’Erce. « Je m’appelle Derfel Cadarn, expliquai-je
à la nouvelle venue, mais autrefois on m’appelait Wygga.
    — Moi, c’est
Linna », dit la femme en breton. Elle était plus jeune que moi, mais la
dureté de la vie sur cette côte avait creusé son visage de sillons profonds,
voûté ses épaules et raidi ses articulations tandis que sa peau était noircie
par le charbon.
    « Tu es
la fille d’Erce ?
    — La fille
d’Enna, corrigea-t-elle.
    — Alors
je suis ton demi-frère. »
    Je ne pense
pas qu’elle m’ait cru. Comment l’aurait-elle pu ? Nul ne sortait vivant d’une
fosse de la mort et pourtant j’en étais ressorti. J’avais été touché par les
Dieux et confié à Merlin, mais que pouvait bien signifier cette fable pour ces
deux femmes harassées et dépenaillées ?
    « Tanaburs !
s’exclama soudain Erce, levant les deux mains pour conjurer le mal. Il a enlevé
le père de Wygga ! » Elle geignit et se balança d’avant en arrière. « Il
m’a pénétrée et a retiré le père de Wygga. Il m’a maudit, il a maudit Wygga et
il a maudit ma matrice. » Elle pleurait maintenant. Linna prit la tête de
sa mère entre ses bras et me considéra d’un air de reproche.
    « Tanaburs,
dis-je, n’avait aucun pouvoir sur Wygga. Wygga l’a tué parce qu’il avait du
pouvoir sur Tanaburs. Tanaburs ne pouvait enlever le père de Wygga. »
    Sans doute ma
mère m’entendit-elle, mais elle ne me crut pas. Pendant que sa fille la berçait
dans ses bras, les larmes ruisselaient sur ses joues sales et pustuleuses. Elle
s’efforçait de se remémorer les bribes mal comprises des malédictions de Tanaburs.
« Wygga allait tuer son père, me dit-elle. Telle était sa malédiction. Le
fils va tuer son père.
    — Wygga
vit encore », insistai-je.
    Soudain, elle
arrêta de se balancer et me regarda fixement, puis hocha la tête : « Les
morts reviennent pour tuer. Les enfants morts ! Je les vois, Seigneur,
là-bas, dit-elle d’un ton grave, le doigt pointé vers la mer. Tous les petits
morts qui viennent se venger. » Elle s’abandonna de nouveau dans les bras
de sa fille. « Et Wygga tuera son père ! » Elle pleurait toutes
les larmes de son corps maintenant. « Et le père de Wygga était un si bel
homme ! Un tel héros. Si grand, si fort. Et Tanaburs l’a maudit. »
Elle renifla puis chantonna une berceuse avec force soupirs avant de parler à
nouveau de mon père, racontant comment son peuple avait traversé la mer pour s’installer
en Bretagne et s’était servi de son épée pour se faire une belle maison. Erce,
imaginais-je, avait été servante dans cette maison et le seigneur saxon l’avait
mise dans son lit et m’avait donné la vie, cette même vie que Tanaburs n’était
parvenu à m’ôter dans la fosse. « C’était un homme charmant, ajouta Erce à
propos de mon père, un homme si charmant, si beau. Tout le monde

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