L'ennemi de Dieu
et de blanc d’œuf qui protégerait les étoiles de la pluie pendant
quelques mois. « Ça change ! admit Cavan à contrecœur alors que nous
admirions notre œuvre.
— Magnifique ! »
dis-je, et cette nuit-là, alors que je dînais dans le cercle des guerriers qui
mangeaient assis par terre, Issa se posta derrière moi en qualité de
porte-bouclier. Le vernis était encore humide, mais l’étoile n’en avait que
plus d’éclat. C’est Scarach qui me servit : un pauvre gruau d’orge, mais
les cuisines de Caer Sws n’avaient rien de mieux à nous offrir, tout occupées
qu’elles étaient à préparer le festin du lendemain soir. En vérité, de tous
côtés, on s’affairait aux préparatifs. La salle avait été décorée de branches
de hêtre rouge foncé, le sol balayé et recouvert d’une nouvelle couche de joncs ;
et dans les quartiers des femmes, il n’était question que de vêtements et de broderies
délicates. Quatre cents guerriers se trouvaient alors à Caer Sws, pour la
plupart cantonnés dans des abris de fortune dressés dans les champs, hors des
remparts, et le fort grouillait des femmes de guerriers, de leurs enfants et de
leurs chiens. La moitié étaient des hommes de Cuneglas, l’autre moitié des
Dumnoniens, mais malgré la dernière guerre, il n’y eut pas le moindre trouble,
pas même lorsque se répandit la nouvelle que Ratae était tombée à cause de la
trahison d’Arthur. Cuneglas devait bien se douter qu’Arthur avait acheté la
paix d’Aelle par quelque moyen de ce genre, mais il accepta la promesse d’Arthur,
qui fit le serment que les hommes de la Dumnonie vengeraient les morts du Powys
ensevelis sous les cendres de la forteresse capturée.
Depuis la nuit
au sommet du Dolforwyn, je n’avais revu ni Merlin ni Nimue. Merlin avait quitté
Caer Sws, mais Nimue, à ce qu’on me dit, était encore dans la forteresse et se
cachait dans les quartiers des femmes où, disait la rumeur, elle passait beaucoup
de temps en compagnie de Ceinwyn. Je n’y croyais pas trop tant les deux femmes
étaient différentes. Nimue avait quelques années de plus que Ceinwyn. Elle
était sombre, intense, toujours tremblante sur la sente étroite entre la folie
et la fureur, tandis que Ceinwyn était blonde et douce et, comme Merlin m’en
avait fait la remarque, très conventionnelle. Je n’imaginais pas qu’elles
eussent grand-chose à se dire, et j’en conclus que la rumeur était fausse.
Nimue devait être avec Merlin, que je croyais parti à la recherche d’autres
hommes susceptibles de mettre leur épée au service de la quête du Chaudron dans
le pays redoutable de Diwrnach.
Mais allais-je
l’accompagner ? Le matin même des fiançailles de Ceinwyn, je dirigeai mes
pas vers le nord, en direction des grands chênes qui entouraient la large
vallée de Caer Sws. Je recherchais un endroit particulier, et Cuneglas m’avait
dit où le trouver. Issa, le fidèle Issa, m’accompagnait, mais il n’avait aucune
idée de ce qui nous conduisait dans l’épaisseur des bois.
Les Romains
avaient à peine touché à cette terre, le cœur de Powys. Ils y avaient bâti des
forts, comme Caer Sws, et ils avaient construit quelques routes qui suivaient
les vallées, mais il n’y avait pas de grandes villas ni de villes, comme celles
qui donnaient à la Dumnonie un vernis de civilisation perdue. Au cœur du pays
de Cuneglas, il n’y avait pas non plus beaucoup de chrétiens. Le culte des
anciens dieux survivait au Powys sans cette rancœur qui entachait la religion
au royaume de Mordred, où chrétiens et païens se disputaient les faveurs
royales et le droit d’ériger leurs sanctuaires dans les lieux saints. Nul autel
romain n’avait remplacé les bocages des druides, nulle église chrétienne ne se
dressait près de ses puits sacrés. Les Romains avaient bien éventré certains
sanctuaires, mais beaucoup avaient été préservés, et c’est vers l’un de ces
anciens lieux saints qu’Issa et moi nous dirigions dans la pénombre feuillue de
la forêt.
C’était un
sanctuaire druidique, une chênaie perdue au fond des bois. Les feuilles n’avaient
pas encore pris leur couleur de bronze, mais bientôt elles jauniraient et
tomberaient sur le petit mur de pierre qui dessinait un demi-cercle au centre
de la plantation. Dans le mur avaient été aménagées deux niches où reposaient
des crânes humains. Jadis, il y avait beaucoup d’endroits pareils en Dumnonie,
et beaucoup avaient
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