L'ennemi de Dieu
pour évoquer la femme qui me vaudrait ce métal :
« Elle n’est
pas une beauté comme sa sœur.
— Certes.
— En
vérité, elle est aussi laide qu’un sac de crapauds.
— Elle
est quelconque, concédai-je.
— Mais
les femmes quelconques font les meilleures épouses, Seigneur, déclara-t-il, lui
qui ne s’était jamais marié, mais qui n’était jamais resté seul non plus. Et
elle nous comblera tous de richesses », ajouta-t-il joyeusement. Car si j’épousais
la malheureuse Gwenhwyvach, c’était naturellement pour cette raison. J’avais
trop de bon sens pour placer ma confiance dans la côte de porc que j’avais dans
ma bourse, et mon devoir était de récompenser les hommes de leur fidélité. Or,
ces récompenses avaient été rares l’an passé. Ils avaient pratiquement perdu
tous leurs biens à la chute d’Ynys Trebes, puis ils avaient combattu l’armée de
Gorfyddyd à Lugg Vale. Ils étaient maintenant fatigués et appauvris, et jamais
hommes n’avaient mérité davantage de leur seigneur.
Je saluai mes
quarante hommes qui attendaient leur affectation. Je fus ravi de voir Issa
parmi eux, car il était le meilleur de mes lanciers : un jeune garçon de
ferme d’une force prodigieuse et d’un optimisme indéfectible qui protégeait mon
flanc droit dans la bataille. Je le serrai dans mes bras puis leur dis mon
regret de n’avoir aucun cadeau à leur offrir. « Mais notre récompense
arrive bientôt, ajoutai-je en jetant un coup d’œil aux deux douzaines de filles
qu’ils avaient dû attirer en Silurie, même si je suis ravi de voir que la plupart
d’entre vous vous êtes déjà trouvé quelque récompense. »
Ils rirent aux
éclats. La fille d’Issa était une jolie brunette de quinze printemps. Il me
présenta à elle. « Scarach, Seigneur. » Il dit son nom fièrement.
« Irlandaise ? »
Elle hocha la
tête. « J’étais esclave de Ladwys, Seigneur. » Scarach parlait la
langue de l’Irlande ; une langue comme la nôtre, mais assez différente,
comme son nom, pour marquer sa race. J’imaginais qu’elle avait été capturée par
les hommes de Gundleus à l’occasion d’un raid sur les terres du roi Œngus en
Démétie. La plupart des esclaves irlandaises venaient de ces villages de la
côte ouest de Bretagne. Mais pas une seule, soupçonnais-je, de Lleyn. Seul un
fou se serait aventuré dans le territoire de Diwrnach sans y avoir été invité.
« Ladwys !
fis-je. Comment va-t-elle ? » Ladwys avait été la maîtresse de
Gundleus. Une grande femme brune que Gundleus avait secrètement épousée, même s’il
avait été tout prêt à désavouer son mariage quand Gorfyddyd lui avait fait
entrevoir la main de Ceinwyn.
« Morte,
Seigneur, répondit joyeusement Scarach. Nous l’avons tuée dans la cuisine. Je
lui ai enfoncé une broche dans le ventre.
— C’est
une brave fille, s’empressa d’ajouter Issa.
— Manifestement,
dis-je, alors occupe-toi bien d’elle. » Sa dernière fille l’avait quitté
pour l’un de ces missionnaires chrétiens qui écumaient les routes de Dumnonie,
mais je doutais que la redoutable Scarach fût assez sotte pour suivre son
exemple.
Cet
après-midi-là, puisant dans la réserve de chaux de Cuneglas, mes hommes
peignirent un nouvel emblème sur leurs boucliers. Arthur m’avait accordé l’honneur
de porter mon emblème à la veille de la bataille de Lugg Vale, mais le temps
nous avait manqué pour changer les boucliers qui portaient encore l’ours d’Arthur.
Mes hommes imaginaient que je choisirais pour symbole un masque de loup en écho
aux queues de loup que nous avions commencé à porter sur nos casques dans les
forêts de Benoïc. Mais j’insistai pour que chacun de nous peignît une étoile à
cinq pointes. « Une étoile ! » ronchonna Cavan, visiblement
déçu. Il aurait voulu quelque chose de farouche, avec des griffes, un bec et
des dents. Mais je ne voulus pas en démordre. Une étoile : « Seren ,
car nous sommes les étoiles du mur de boucliers. »
L’explication
leur plut, et aucun ne soupçonna le romantisme désespéré qui m’avait inspiré
mon choix. Nous commençâmes donc par enduire d’une couche de poix les boucliers
ronds de saule recouverts de cuir, avant de peindre les étoiles à la chaux,
nous aidant d’un fourreau pour tracer les lignes droites. Quand le blanc de
chaux fut sec, il ne nous resta plus qu’à passer une couche de vernis à base de
résine de pin
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